Deuxieme partie
Il
est courant de constater comment les gens s'affolent après un acte de
criminalité. La misère qui sévit dans les quartiers populaires est abondamment
utilisée comme facteur explicatif du fléau de la criminalité. Ce facteur
constitue la toile de fond des discours qui se répandent dans les médias, les
réseaux sociaux. Plus encore, les tenants de ces discours pointent du doigt les
politiciens véreux d'être les principaux
responsables de la criminalité. Ce qui rend partiel ce genre de discours, c'est
le fait qu'ils sont souvent utilisés à des fins politiques. En dépit du déficit
d'objectivité qui imprègnent ces points de vue. Ces derniers constituent
l'ensemble des connaissances immédiates résultant du sens commun et c'est
l'attrait de ces premières impressions qui interpellent l'esprit scientifique.
Cependant,
il existe d'autres appréhensions plus consistantes. Ce sont celles qui, en
s'inspirant largement d'une démarche objective s'efforcent de dégager le fil conducteur de
l'intelligibilité d'un phénomène. C'est ainsi que Marc Abélès, un anthropologue
français, nous a fourni une grille de
lecture pertinente sur l'origine de ce qu'il appelle la violence structurelle
en Haïti. Selon lui, cette dernière résulte de l'ouverture du marché national
au terme des accords entre l’Etat haïtien et les institutions de Bretons Woods
(2008). En effet, avance-t-il, cette politique a eu une double incidence sur le
pays: l'instabilité politique et la criminalité.
On
comprendra donc, par ce qui précède, que ces deux tendances ont cherché à
mettre en relief les causes de la criminalité. En procédant de la sorte, elles
font des actes criminels un épiphénomène. On prend rarement en compte les
auteurs des actes criminels. Ils se trouvent blanchis de leurs actes, car ces
approches ont tendance à considérer ces derniers comme étant victimes de la
configuration de l'organisation sociale. Certaines conditions sociales sont
certes favorables à l'expansion de la criminalité comme la misère dans les
quartiers défavorisés. Toutefois, on retrouve la criminalité dans toutes les
classes sociales d'une société. Mais que certaines d'entre elles bénéficient
d'une protection face à l'intervention du système répressif en raison de leur
statut social. Les travaux d'Edwin Sutherland (1924) rendent bien compte de
cette spécificité. Il s'aperçoit à travers ses enquêtes que la criminalité se
rencontre dans toutes les couches sociales. Mais qu'en est-il de la
personnalité criminelle?
Pour
notre propos, nous voulons rompre avec l'affirmation selon laquelle le bandit
ou le chef de gang est un être faible en proie à toute sorte de manipulation.
Un groupe de gang est avant tout une organisation criminelle ayant un mode
opératoire. Un acte criminel ne se produit jamais par hasard. Surtout quand les
gros coups nécessitent plus de ressources, plus de bras armés, des guetteurs
pour signaler, la séparation du butin. C'est comme Bourdieu l'aurait décrit, un
microcosme social fait de règles et finalités qui lui sont propres
(méditations199). C'est un champ à l'intérieur duquel s'érige un rapport de
force autour d'un certain intérêt. A ce niveau, on se situe dans les rivalités
entre les groupes gangs qui partagent un même territoire (les gangs de Ti bwa
et ceux de Gran ravin). Comme on peut le constater, les chefs de gangs sont
rarement tués par les forces de l'ordre.
Il
s'ensuit que la sphère du banditisme, appréhendée dans la perspective
analytique de Bourdieu, est comme un espace structuré par des positions, des
prises de positions et de luttes pour le pouvoir. De quel pouvoir s'agit-il ?
Le fait d'obtenir par la contrainte la soumission d'une population confère au
monde de la pègre un véritable pouvoir, prestige et respect. Ce privilège dont
jouit les bandits est devenu la convoitise de ceux qui acceptent de jouer le
jeu, c'est-à-dire de se mesurer à ces luttes en adhérant aux règles établis: le
recours à la violence. C'est dans cette
dynamique que les groupes gangs se constituent et se recrutent dans certains
quartiers populaires. De ce point de
vue, le banditisme est au même titre que n'importe quel champ, la politique par
exemple, un espace d'intégration sociale.C'est un ressort important de la
criminalité. Le bandit parait comme un champion, un artiste.
Jusque-là, on a
cherché à cerner le banditisme du point vue des bandits eux-mêmes. En montant
des groupes organisés, ils parviennent à
créer un bien rare autour duquel s'érige une véritable hiérarchie de rôles.
Bibliographie
Durkheim, Emile.Le crime, phénomène normal. In: déviance et criminalité. Textes réunis. Paris, Armand Colin, 1894.
Sutherland, Edwin. ‘’Principles of criminology", the university of Chicago press, 1924. (Version éléctronique)
Abélès, Marc. ‘’Anthropologie de la globalisation", éditions Payot et Rivages, Paris, 2008
Pierre, Bourdieu. "Méditations pascaliennes", Paris, Seuil, Coll. Libres, 1997, 316 P.
Giorgio, Agambens. Homo Sacer, I: le pouvoir du souverain et la vie nue, Paris, Seuil, 1997
Corten, André. " Valeurs sociales et économies au seuil de la croissance ". Paris/Louvain, les éditions Nauwelarts, 1967, 233. Pp (version électronique)
P. G. Schmidt. "A la recherche, d'une définition de la Magie «Source: Anthropos, Bd. 8, H. 4. /5. (Jul. - Oct., 1913), pp. 883-885 (version éléctronique)
Gilles, Alain. " Pourquoi tant partis politiques? Et à quoi ils sont utiles" in: Haiti Perspective, vol.4.no3. Automne 2015.
Auteur :
Charles Richard
Patrice Lovenord Joanel
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