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L' Haïti des aliénés


Il était dans les environs de 5 heures de l'après-midi, quand je me suis assis sur la place d’armes du Cap-Haïtien; absorbé et très accablé par la difficulté de trouver de l'argent, dans la nécessité de répondre à des problèmes urgents. Je ne sais pas exactement quand, mais 10 minutes après, j'ai pu remarquer mon bras qui servait de pilier à ma mâchoire inférieure. Mon esprit faisait du va-et-vient; errant vainement dans tous les coins en quête solution, à ce casse-tête qui fait l’actualité dans mes pensées depuis au petit jour.

Pour compléter la petite somme que ma mère avait réussi à collecter pour le loyer le mois dernier - j'ai emprunté 5000 gourdes dans une maison d'affaire. Le locateur, un homme généreux, était arrivé au bout de sa grande patience. Vu notre possibilité économique exécrable, il avait accepté, en attendant, 3/5 de la totalité. J'ai «plané» mon ordinateur portable, et les intérêts sont déjà montés à plus de 80 pour cent. Maintenant, je dois rembourser plus de 9000 gourdes, pour m'y réapproprier ce matériel combien important; contenant les travaux de mon mémoire de fin d'étude à la faculté de droit. 

Je me sentais abattu; en plus de l'argent que je dois à ce créancier, j'ai le loyer dont on ne s'est totalement acquitté. J'ai déjà frappé à plusieurs portes, toutes étaient restées fermées comme si la vie me frappait à coup de revers. Ma tante à Miami ne me parlait que de ses difficultés, lorsqu'un jour je lui ai téléphoné. Ma marraine me disait que la scolarité de ses enfants était proche, qu'elle ne pourrait pas m'apporter de l'aide et, que même si... Mon parrain, mmhh, je n'y ai même pas pensé avant; ce couturier à un mode de vie, on dirait qu'il n'a comme entrée que 2500 à 3000 gourdes le mois. Le «pèpè» tue lentement cette profession dans ce pays, se plaint-il chaque jour. Quant à mon père, ce «kaka-kleren» s'en fout de tout et de tout - il ne se laisse plus emporter par ni les petits, ni les gros tracas de la vie, il est devenu insouciant ; l'alcool me suffit, dit-il à tout le temps...

Alors que le noir commence à se pointer, environ 2 heures passées dans de vaines réflexions. Un homme s’amène, en boitillant, une grosse enveloppe jaune à la main gauche. Puis s'assied tout prêt de moi et tourne son buste d'une certaine façon comme s'il essayait de cacher quelque chose. Cependant j'ai pu, dans mon regard perçant, voir ce qu'il a voulu abriter. L'enveloppe était remplie de billets de mille gourdes neufs, je ne sais combien. Le type commençait à compter la somme contenue, celle-ci me prenait la tête - je m'imaginais dès lors à sa place.

-Vient-il de gagner au loto ou peut-être qu'il a un gros «djòb». ?

Je ne pouvais plus penser aux possibilités de la provenance de cette grosse somme d'argent, j'ai envie d'en avoir, même la moitié, juste pour couvrir les dettes. 5 minutes après m'être perdu dans cette petite fortune, j'ai décidé de me tourner la face, pour ne pas que je sois suspecté d'être vicelard. Ne pouvant m'empêcher totalement, j'ai essayé de le regarder avec la tête droite par devant, dans un angle difficile. Tout-à-coup, le type devient plus prudent qu'avant, et semble vouloir être très précis dans le calcul - il s'arrangeait mieux et recomptait, et après avoir fini il recommençait, ainsi de suite...à la cinquième fois, j'ai remarqué un jeune homme auquel s'accoste une jolie fille. Ils sourient en projetant leurs regards vers l'homme, assis pas trop loin de moi. Ensuite, une dame posée à ma gauche s'exclame en souriant, le regard braqué sur l'homme «ala kote gen koze papa!» J'ai pu comprendre que je ne suis le seul à être attentif à cette scène, et je profite pour la demander si elle le connait. Elle se désennuyait en me disant:

- Ce monsieur est «fou», il se croit être un directeur de lycée, qui rentre une forte somme le mois. Souvent, il vient ici pour compter des faux billets de mille gourdes, qu'il venait de gagner. Il vient ici assez souvent. On dit de lui, qu'il était un professeur très doué et réputé pour ces aptitudes en mathématique - il est devenu fou depuis la mort de sa femme et sa fille après un accident de la circulation - les médecins d'ici n’en pouvaient rien, la république voisine devrait-être leur seul recours, mais hélas, monsieur n'avait pas les moyens nécessaires. Tandis que, si l'on veut croire à la rumeur, le ministère le devait plus de 14 mois de salaire.

Le monsieur se lève - s'en alla d'un aire joyeux.
- La dame me dit alors, comme ça il est souvent content, le monsieur; il se croit riche, habitant une grande maison confortable. Pourtant, il vit à la merci des «machann alekin», ces gens qui l'estimaient autrefois, et sa famille qui ne le laisse pas trop se salir. Elle se lève, en prononçant ces derniers mots avec un soupir peu léger - «mmmh, nan peyi sa siw pa metew wap fou wi!» Et se retire.Je me suis demandé, à ce moment-là, si les psychotiques en Haïti, ne vivent pas mieux que les gens «bon tèt» - qui chaque jour, se lèvent; chôment; trainent la misère, partout avec eux; être dans un chômage masqué... Et, qui se tracassent même pour les besoins primaires. Oui, l'aliéné vit dans une illusion, quelque fois la nôtre devient trop brutale voir injuste, et apte à chavirer la conscience d'une personne à n'importe quel moment, dans une autre plus vivable, moins cruelle. N'est-ce-pas mieux d'avoir une bonne occupation et d'être bien payé. Dans la sienne, ce dément a au moins un emploie et un salaire mensuel plus ou moins équitable, qui peut répondre à tous ses besoins.

Cette nuit-là, le sommeil me prit alors que je méditais sur ce pays, Haïti, divisé en quatre. L’Haïti des riches, des bourgeois, des grands dons, des politiciens fortunés ; celui-là est très vivable, sa population a le monopole de tout. Il y a aussi l’Haïti des étrangers, les blancs ; celui-là est leur «tochon pye», ils en font ce qu’ils veulent. Ils ne sont ses progénitures, cependant ils se nourrissent de son lait. En plus, il y a l’Haïti des autres qui ne sont encore emportés par la réalité, et se battent chaque jour pour la survie et quelque chose de positif, mais qui sont brutalisés par la vie dans ce système sadique. Et enfin, l’Haïti des aliénés que j’ai découvert ; celui des exilés d’une autre réalité moins méchante que celle de tous les jours, dans laquelle on se bat pour survivre mais qui malmène. Les aliénés ne sont pas seulement des fous dans le sens commun du terme, ils peuvent être des gens qui croient seulement aux miracles ; qui lient le destin du pays aux forces suprêmes, quelque fois rejettent la faute sur des adeptes de vodou, du christianisme et autres, ils se réfugient alors derrière les forces suprêmes pour justifier les faits, et ne s’engagent pas, comme ça allège la souffrance tout comme celle du type a été allégée. Malheureusement, ne pouvant constater qu’ils sont écrasés chaque jour par un système politique trop corrompu, qui les propulse dans « la réalité haïtienne impitoyable ».

CP: (HAWG)

Jodlyn DEUS

2 commentaires:
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  1. Wow!!! Je ne peux rien degager, t'es vraiment realiste pote. Que Dieu te donne du courage!!!

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  2. Encore une fois félicitations, continue à faire de ta plume ta meilleure expression de ton fort intérieur.

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