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J’ai 20 ans et mes parents ont gâché ma vie



Je viens de terminer mes études classiques, et j’ai vingt pauvres  années. J’ai grandi dans un climat potentiellement dangereux qui a en quelque sorte «  pollutionné » mon enfance et qui a influencé l’orientation vocationnelle que me parents me donnent aujourd’hui. 

Très tôt, j’ai quitté le toit familial  pour aller vivre chez une tante qui pouvait tout me donner, du pain jusqu’à un destin mais sauf une identité, un avenir, car mes parents tout comme moi n’ont pas pu donner une orientation à leur vie. Enfant turbulent, indésirable et de trop, j’ai été placée dans un internat, un lieu où enfant- aimé et enfant-aigri forment un tout hétérogène d’identité et de culture, se fusionnent  pour donner l’un à  l’autre un brin de ce qui lui a toujours manqué.

Dans cet internat, chez les sœurs, ce lieu chaotique et infernal, j’ai raté  les meilleures années de ma vie, les années où j’avais tant d’amour à donner et à recevoir. J’ai pourtant vécu, en plénitude les sentiments les plus abjects. J’ai appris à vivre avec le sentiment d’être rejetée, j’ai appris  à haïr de toutes mes forces tout comme à me dépasser, à me résigner. J’ai expérimenté ce que ça peut faire d’être aigri de vivre avec ce sentiment incrusté dans sa peau, d’avoir toujours une boule dans la gorge quand il faut digérer le bonheur, la réussite de l’autre, ou sa chance d’avoir des parents aimables. J’ai appris  à faire semblant et ce que ça peut faire d’être religieuse, ce que je serai moi à bon ou à mauvais gré. 

Ainsi j’ai vécu mes plus tendres années dans une  atmosphère truffée de mensonges et de préjugés où tout avait un prix, de l’amour jusqu’à un vrai sourire et que pour se faire aimé il faudrait se laisser marcher dessus et que seul la place à l’école comptait et pour les parents et pour les bourreaux-sœurs qu’ils mettaient à nos trousses pour nous fabriquer, nous, notre tempérament et notre identité. Nous faire marcher là où l’on voulait leur  donner du fil retordre. Et nous, malheureusement comme de vrais petits robots, on se résignait  à subir les méchancetés de ce système d’oppression qui nous déshumanisait et nous rendait si vulnérable  puisque c’était à prendre ou à laisser et nos parents ne pouvaient pour rien au monde laisser ce bon vieux système que les religieuses leur présentaient  sous le couvert d’un foyer structuré comme si cela pouvait substituer au toit familial. Désorientées, mal-nourries, mal- logées, avec très peu de loisirs et beaucoup, beaucoup de prières on vivait dans ce système sans le comprendre, avec toutes nos frustrations, les unes plus grandes que les autres.

Sans vraies repères et livrée à moi-même, je cherchais à combler ce vide immense que ces frustrations, ces sentiments et ressentiments laissaient dans mon cœur et ma petite tête. Je recherchais partout l’amour, dans les livres, les flirts, les amitiés malsaines. Je ne voulais qu’être aimée et me sentir l’être. Je m’embarquais dans des aventures périlleuses qui, pourtant, n’ont pas pu étancher cette soif d’amour qui habitait profondément tout mon être. Avec peu ou pas de lucidité, j’ai tenté de me réinventer, de me présenter sous un jour autre que celui de ma vraie identité et j’ai créé un personnage qui pouvait plaire à tout le monde y compris ma tante qui n’était pas du tout fière de moi. J’ai dit à tout le monde que je voulais devenir sœur, j’ai commencé à cheminer avec les sœurs chez lesquelles je vivais et, je me suis mise  à me comporter  comme telle. Aussi, ma tante et les sœurs commençaient à être plus gentilles et plus attentionnées. J’aimais ce nouveau personnage que j’étais. Celui qui me procurait tant de joie puisque j’étais choyée et adulée. Jamais je ne pouvais imaginer qu’un jour les conséquences de mes actes et paroles pourraient être si énormes et que je pouvais les payer très cher.

Ainsi, je pensais que je pouvais mener les situations ou jouer comme bon me semble avec les mots, comme avec mes parents et mon entourage qui ont pris goût à cette nouvelle identité que je m’étais inventée mais, ils l’ont utilisée contre moi. Lorsqu’il fallait que je quitte l’internat, et que je parte à la conquête de ma vraie personnalité, j’ai été contraint de rentrer au couvent, je ne pouvais défier l’autorité de mes parents ni me placer en face d’eux. Ils avaient les moyens et savaient comment me pressurer et je ne pouvais non plus déjouer les pièges psychologiques que les sœurs m’ont tendus. Je n’étais pas à même de comprendre leur manège.

J’ai cédé à leurs caprices et j’ai passé quatre ans au couvent malgré moi. Quatre ans de doutes, de dégouts et d’amertumes. Quatre ans où j’aurais pu apprendre tant de choses de ma vraie identité puisqu’aujourd’hui encore, je ne sais même pas qui je suis. Quatre ans où  j’aurais pu être moi-même, avec mes choix, mes rêves, où j’apprendrais à vivre  tout le tralala de mon âge.

Pourtant aujourd’hui, je rentre au postulat et qui sait dans les années à venir je serai peut-être sœur, avec ma fausse identité, mes non-dits et je braverai certainement quelques interdits.
Et qu’après tout, la roue de la vie va continuer à tourner puisque, C’EST UN PEU DE ÇA HAÏTI ET NOS PARENTS.

Auteure : Lara

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