La notion de
nationalité produit beaucoup de débats en Haïti. Ce serait, selon plus d’un, un
sujet tabou. Les débats et les questions se multiplient chaque jour, surtout en
ce qui concerne les gens qui se réclameraient Haïtiens ou qui auraient été
désignés comme tel par des hommes politiques. Un fait
d’actualité mérite d’être abordé afin d’éclaircir les points obscurs autour de
la notion ou encore d’apporter des réponses aux questions mal répondues ou qui
ne sont pas du tout répondues, « la situation de Naomie Osaka ».
Le « cas Naomie
Osaka » nous rappelle la délicatesse extrême de la
nationalité haïtienne et la division installée entre les Haïtiens. Les débats
se sont enflammés après les « tweets » du Président de la République d’Haïti
Jovenel Moïse, faisant mention de la nomination de Naomie Osaka comme
Ambassadrice de Bonne Volonté pour la promotion du sport en Haïti, d’une part ; et l’appellation de compatriote à l’égard de
l’actuelle championne de l’« US Open ». Naomie, est-elle Haïtienne ? Que dit la législation haïtienne sur son cas
? L’usage du mot « compatriote »
envers Naomie, est-il normal ?
Nous allons
essayer d’expliquer la situation et d’apporter la vérité nécessaire suivant les
deux points de vue de la nationalité : nationalité de fait et nationalité de
droit. Nous cherchons à démontrer, dans cette intervention, si Naomie a la
nationalité haïtienne ou non, et dans quel cas elle peut être appelée compatriote
par des Haïtiens.
Pour le faire,
nous avons lu et présenté la législation haïtienne relative à la nationalité,
analysé les situations dans lesquelles Naomie pourrait avoir ou non la
nationalité haïtienne. Conséquemment, l’intervention est scindée, en deux :
d’abord, la nationalité haïtienne au point de vue juridique ; ensuite, point de
vue sociologique de la nationalité haïtienne.
La nationalité haïtienne du point de vue juridique.
Suivant ce point
de vue, la nationalité haïtienne est le lien rattachant une personne (physique
ou morale) à l’État haïtien. La nationalité haïtienne est, autrement dit,
l’appartenance d’un individu à la population constitutive de l'État haïtien.
Pour faire partie de la population constitutive de l’État haïtien, il est impératif
de se trouver dans l’une des situations suivantes : avoir la nationalité
haïtienne d’origine ou se faire naturaliser Haïtien. La première est
automatique et est attribuée seulement par des parents Haïtiens selon l’article
11 de la Constitution. La deuxième est effectuée sur demande de la personne
intéressée ; mais selon le bon vouloir de l’État haïtien à l'accorder ou pas.
Naomie se trouve
dans la première catégorie puisque son père est Haïtien. Mais il convient
d’analyser deux cas : d’abord, si M. Léonard François, père de Naomie, avait
adopté une autre nationalité avant la naissance de sa fille ; ensuite, s’il était toujours Haïtien au moment de la naissance de
Naomie. Dans le premier
cas, M. Léonard François n’aurait pas été Haïtien au moment de la naissance de
Naomie puisque la double nationalité n’était pas admise pendant cette période
selon l’article 15 (abrogé en 2011) de la Constitution de 1987. Il ne pourrait
non plus transmettre la nationalité Haïtienne, car on ne peut pas donner ce qu’on
n’a pas. En plus l’alinéa 3 de l’article 3 (supposé abrogé en 2011) du
décret-loi du 6 novembre 1984 n’octroyait pas la nationalité haïtienne aux
descendants d’Haïtiens naturalisés dans un autre État, et qui sont nés après la
naturalisation.
Dans le second
cas, il transmettrait la nationalité haïtienne à sa fille. Mais, cette dernière
se trouverait dans une situation appelée « faculté d’option ». Elle aurait eu
la possibilité d’opter pour la nationalité haïtienne dans l’année de sa
majorité (18 ans) selon la législation haïtienne. Mais le choix d’une autre
nationalité équivaut à un renoncement de la nationalité haïtienne ; Naomie aurait donc renoncé à la nationalité
haïtienne puisqu’elle a la nationalité japonaise. Elle ne serait pas Haïtienne.
Mais il faut
considérer une situation très particulière, toujours en tenant compte du second
cas qui est au cas où son père n’aurait pas renoncé à la nationalité haïtienne.
Les dispositions d’amendement de la Constitution en 2011, venant modifier la
législation haïtienne relative à la nationalité admet implicitement la double
nationalité et abroge du même coup la faculté d’option. Et, considérant que
Naomie avait seulement 14 ans (étant donc mineure) au moment de la promulgation
des dispositions d’amendement constitutionnel en 2011, elle aurait bénéficié de
la supposée modification. Elle serait haïtienne dans ce cas, car il ne faut
considérer comme étranger celui qui a dans les veines le sang haïtien, bien
qu’il n’y ait encore aucune nouvelle loi traitant de la nationalité haïtienne.
La naissance de
Naomie est antérieure aux modifications constitutionnelles entrées en vigueur
en 2011. Est-ce que la championne peut bénéficier de ces modifications ? La loi peut-elle rétroagir pour ce cas ?
Il faut
mentionner que la loi n’a pas d’effet rétroactif, selon la Constitution d’Haïti
(article 51 : la loi ne peut avoir d’effet rétroactif sauf en matière pénale
quand elle est favorable à l’accusé) et le code civil haïtien (article 2 : la
loi ne dispose que pour l’avenir ; elle
n’a point d’effet rétroactif). C'est la règle. Mais de chaque règle découlent
des exceptions. Parmi les exceptions à l’article 2 du Code Civil Haïtien, nous
pouvons citer : les lois pénales plus douces ou favorables aux délinquants
(note 7 au bas de l’article 2), les lois
de procédures (note 6 au bas du même article), les lois modifiant l’état et la
capacité des personnes (note 12 au bas du même article), etc.
La nationalité
est, en effet, l’un des éléments de l’état des personnes. Qu’est-ce que l’état des personnes ? L'état
des personnes est l’ensemble des éléments de droit privé caractérisant
l’existence juridique et la situation familiale de la personne selon le lexique
des termes juridiques, 12ème édition dalloz, p. 233. Autrement, l’état des personnes est un ensemble de
qualités juridiques déterminant la condition d’une personne au triple point de
vue : politique, familial et économique (LATORTUE, François. Cours de Droit
civil, p. 82.). Suivant le point de vue politique qui
est le point important du travail, l’individu est Haïtien ou étranger, citoyen
ou non citoyen (LATORTUE, François. Cours de Droit Civil, p. 81.)
Il peut être
déduit donc que l’application rétroactive des lois concernant l’état des
personnes, fait rétroagir les lois sur la nationalité haïtienne. Naomie, toujours selon que son père n’aurait pas
renoncé à la nationalité haïtienne, a la nationalité Haïtienne.
Point de vue sociologique de la nationalité
haïtienne.
La nationalité,
sur ce point de vue, est l’appartenance à une communauté d'individus unis par
la langue, l’histoire, les traditions et la culture. Naomie, selon
les différentes interviews données a grandi dans une jonction de cultures :
Japonaise, haïtienne et américaine. Elle s’identifie à Haïti. Elle partage
beaucoup d’éléments de la culture haïtienne.
Il faut
mentionner que la nationalité, sur ce point de vue, ne produit pas de droits.
Un individu peut être juridiquement de nationalité américaine ou autre, mais
appartient à la nation haïtienne : il suffit juste qu’il s’identifie aux
individus partageant la langue, l’histoire, la culture et autre d'Haïti. Il
faut savoir distinguer la Nation haïtienne de l’État haïtien. La nationalité,
lien de droit, ne découle pas de la nation haïtienne, mais de l’État haïtien. Le mot
compatriote utilisé à l'égard de Naomie est illégitime si compatriote a pour
définition « Personne provenant d’une même région ou pays », car Naomie est née
au Japon. Mais ce mot est acceptable au cas où, il aurait été utilisé dans
l’idée de parler d’une personne ayant la même nationalité ou partageant la même
culture.
Nous venons
d’exposer la position d’Haïti sur le sujet, mais que dit le Japon sur la
nationalité considérant que Naomie a la nationalité japonaise du côté de sa
mère ?
Par conséquent,
il est important de dire que Naomie Osaka serait Haïtienne au double point de
vue de la nationalité si son père n’avait pas adopté une autre nationalité
avant sa naissance. Elle possède plusieurs nationalités pour Haïti. Alors que,
pour le Japon, elle est seulement
japonaise, car le Japon ne connaît pas la double nationalité.
Peterly PIERRE.
Licencié en droit
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