Monsieur Boulos,
J’ai lu votre lettre à la nation, publiée dans Le
Nouvelliste, avec le sentiment mitigé d’un apprenti entrepreneur qui regrette
les pillages et les vols perpétrés le 6 et le 7 juillet 2018 et la stupéfaction
d’un acteur social qui se demande d’où la bourgeoisie haïtienne a importé cette
bonne foi et cette innocence qui sont loin de lui ressembler. Parce que c’est
presqu’essentiellement ce qu’elle fait au détriment de l’économie nationale: le
commerce du bord-de-mer.
Je vous écris, parce que contrairement à beaucoup
d’autres jeunes comme moi; diplômés, au chômage, frustrés, aigris, qui en ont
marre et veulent simplement tout casser; je crois que CE PAYS A GRAVEMENT
BESOIN DE DIALOGUE. Telle est mon intention: enclencher le dialogue
riche-pauvre, nèg anwo-nèg anba, pitit Petyon-pitit Kristòf qui est urgent
comme jamais pour éviter un bain de sang dont on ne peut prévoir ni les
victimes ni les conséquences. Je crois que si on se parle on peut se
comprendre; on peut se dire nos quatre vérités. On peut vider nos contentieux
et repartir sur une nouvelle base. Dans la paix, la compréhension mutuelle et
la réconciliation.
J’ai été franchement touché de vos dizaines d’années de
travail ardu et d’investissements perdus en à peine 48 heures. Effectivement il
vous faudra du temps pour reconstruire tout cela et les conséquences sur le
pays seront désastreuses. Mais dites-vous que vous, au moins, vous avez fait
quelque chose de votre travail. Mais savez-vous qu’il y en a qui travaillent du
lever au coucher du soleil, mais qui vivent quand même avec moins de deux
dollars US par jour? Savez-vous que la majorité d’entre nous ne savent s’ils
sont travailleurs, s’ils sont paresseux? Savez-vous que la majorité écrasante
de ceux qui travaillent n’ont qu’un salaire de misère? Vous me direz avec
raison que vous n’êtes pas responsables de tous ces gens. Qu’ils ont le choix.
Peut-être.
Je ne vous connais pas personnellement. Je n’ai rien
contre vous. Tout ce que je vais vous poser comme questions sont des
accusations portées contre bourgeoisie haïtienne, à tort ou à raison. Tout
simplement je dis tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Ce sont des
secrets de polichinelles.
En parlant des auteurs intellectuels, des politiciens qui
ont soif de pouvoir; n’êtes-vous pas de cette bourgeoisie qui a mainmise à la
fois sur l’exécutif, le législatif, le judiciaire; l’économie et la presse?N’êtes-vous pas de cette bourgeoisie qui a le monopole du
fer, du ciment, du riz, du crédit, etc? Ne faites-vous pas partie des douze familles nanties qui
prennent le pays en otage avec plus de 80% des richesses? N’êtes-vous pas de ceux qui dictent à chaque gouvernement
qui sera le directeur de la DGI, de la Douane et d’autres postes stratégiques
?N’êtes-vous pas de ceux qui financent les candidats
corruptibles pour ensuite profiter des gouvernements corrompus? N’avez-vous pas des parlementaires dans vos petits
papiers? N’avez-vous pas des contrats juteux de l’Etat gagnés à
coûts de pots-de-vin?
Je ne vous demande pas de répondre sincèrement. Nous
avons chacun, de près ou de loin, une part de responsabilité dans l’état du
pays. Mais ce qui est sûr est que personne n’est en sécurité
dans un pays où la vaste majorité vit dans l’insécurité alimentaire; toute paix
est trompeuse dans un pays sans avenir où la grande majorité est misérable;
donc achetable, facile à instrumentaliser. IL N’Y A PAS DE SUCCÈS INDIVIDUEL DANS CET ÉCHEC
COLLECTIF. L’avion est en détresse et le crash est imminent. Le sort
sera le même et pour nous qui sommes en classe économique et pour vous qui êtes
en classe affaire.
Le temps presse. Le dialogue participe à la sauvegarde
de la barque nationale. Saisissons
la balle au bond.
Patriotiquement,
Junior Mesamours
Junior Mesamours
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