Heureux sont ceux qui marchent avec la poésie en
bandoulière, la porte à bout de bras, la tête pleine de rêves et d'images, ils
sont des milliers, je les appelle camarades d'armes, « la poésie est une
arme chargée du futur ». Si on traverse l'orée des jours on voudra
emporter avec soi quelques vers pour mieux habiter l'absence, évoquer la
nostalgie, se soustraire des ombres du passé. Le sens poétique du partage
m'oblige à vous recommander certains vers et qu'il vous plaise d'emporter des
vers d'Elbeau, ils sont beaux.
C’est
Octavio Paz qui disait ceci à propos de Fernando Pessoa : « Les
poètes n’ont pas de biographie. C'est leur œuvre qui est leur biographie ».
On ne peut rapidement dire qu’Elbeau Carlynx est né le 7 mars 1994, poète
capois ayant décroché plusieurs prix. En 2016, il a reçu le 2eme prix du concours
international de Léopold Sedar Senghor. On lui a aussi décerné le 1er prix du concours
international de poésie Centre Troyes / UNESCO. Sa poésie est tissée des fibres
de la négritude, sûrement a-t-il déjà vécu dans les songes des ainés comme
Césaire ou encore Senghor. Il porte le chant de sa race sur ses lèvres et
voguera assez longtemps avec, tant qu'il vivra. Après tout, un poète ne meurt
pas. Elbeau est aussi étudiant en Histoire et Géographie à l'UPNCH. Il les a
transplantées dans sa poésie. Ô peuple malheureux, écrit-il, frémissant de douleur, peuple miséreux condamné au rituel des
pleurs, peuple noir, musée des
souffrances de la terre, de vos fils,
combien d’épitaphes sur la mer ?
La mer,
femme bleue, boit le rêve de nos congénères, abasourdis du sort des mauvais
jours, est mille fois évoquée dans plusieurs œuvres pour souligner en double
traits l'incertitude des nuits, l'envie de partir au risque du naufrage. Un
peuple mutilé. Ô peuple esclave;
victime de l’innocence !
On n’est pas
loin de la sensualité, tant dans l’expression de la douleur et de l’amour, dans
l’écriture de Le reclus, surnom du
poète. Cette même sensualité imprègne les vers Des cents poèmes d’amour de Pablo Neruda qui me rappelle les
heures que j’ai passées dans la
bibliothèque du Campus à les lire et à m’écouter en train de lire. On me
croirait être un drogué...demain, on ne
peut que m'accuser de blanchiment d'amour pour répéter Elbeau Carlynx. Ne
va pas chercher le poète plus loin, son originalité se cache dans ses vers,
précisément ceux de l’amour et j’ai toujours cru pour parler de l’amour, thème
souvent maltraité par des poètes maladroits, il faut être soi-même, après tout
l’écriture est aussi une manière d’être dirait Jacquet. En lisant Elbeau, on se
croirait libre de se dévoiler, de se confier à l’autre, pour enfin se retrouver
emmuré dans un sentiment plus fort que soi.
La poésie chez Elbeau joue le rôle de passerelle pour atteindre l’autre. Ma conscience prise en otage. Mes cinq sens
en érection. Ma vie offerte à l'holocauste
de tes doigts. Ô mon enfer sucré, ma sentence, je porte ton nom sur mes
lèvres comme je porte ton visage de Madone galopante dans l'écrin de mes pensées,
écrit-il dans son poème titré « Le drogué ».
Les images
qu’évoque le poète sont fortes et accrochantes. Elles nous invitent à nous
surpasser, à entamer un étrange jumelage entre le réel et l’imaginaire.
Contrairement à d’autres poètes dont chaque vers suffit à lui-même, mais pour
mieux entrer dans le poème d’Elbeau il faut lier le vers précédent à son
successeur. Le constat est fait notamment dans son poème portant le titre de
« Il pleut », ce qui lui a valu le 3ème prix Poésie en liberté en
2012. Il pleut. Des méandres sveltes de
ses cheveux. A l'océan parfumé de ses salives. Il pleut. Des collines
chatoyantes de ses seins. Au désert de velours de son ventre. Il pleut. De la
forêt hirsute de son pubis. A la fine caverne de son mystère. Il pleut. De l'horizon
perdu de ses jambes. Aux confins délicats de ses pieds. Il pleut. Des larmes
chaudes d'amour. Sur le monde nu de ma pucelle !
Il n’est pas
aisé de coller une étiquette à Elbeau, on aurait dit que le costume de la Négritude
lui irait à ravir, on aurait pu tenter aussi le « Spiralisme »,
surement pas. Cache t-il un coté libertin ? Un peu. Mais on aurait bien
été d’accord qu’avec les mots, il sait bien s’y prendre. Qu’il sait poétiser. Je poétise. Phrases ambulantes. Mots nomades.
Ce poème. un périple sans escale. dans les veines creuses. de l'imaginaire. Une
ruée de vers sans pause. Une prose à l'envers. Défaut de ponctuation. propos
sans patrie sans nation. pas de points pour frontières. ni de virgules pour
barrières. Monde libre. Spontanéité innée. raison évitée. pour entendre mugir
la passion. au tréfonds de l'âme. fleuve incandescent. qui apporte emporte.
ombres et images. fleurs et ramages. Texe ou sexe. prendre les mots sans latex.
corps entremêlés. noce de baves et de sueurs. atteindre l'orgasme. sans laisser
de cicatrices. sur la page déflorée. ratures qui caricaturent l'écriture. fin
avec une faim infinie. un parfum des fins non voulues. défunt ou vivant. ce
poème reste un voyageur. qui marchera longtemps. dans le sang des humains.
Il y’a des vers
que je garde en mémoire, « des vers contre l’oubli », je me dis
souvent. Et qui ne se souviendra pas de ce beau vers d’Elbeau ? Si tous les chemins mènent à Rome. mon
Italie est dans ton corps.
Auteur : Djedly François
JOSEPH
Email: djedlyfrancois@gmail.com
Il n'y aura jamais assez de mots pour féliciter un poète mais quand je lis les vers d'Elbeau, dans mon cœur, mon visage, mon âme "il pleut". Bravo Elbeau Carlynx!!!
RépondreSupprimerSaisissant! Poignant! Les vers de ce poète sont écumes, où la femme bleue pleure en innocence de peuple!
RépondreSupprimer