Depuis
tant d’années, depuis trop d’années, on n’arrête pas de répéter que notre
jeunesse est en crise de modèles. On martèle à longueur de journée que nous,
jeunes, sommes en panne d’orientation. A trop le répéter, il semble qu’on
s’enlise dans le pessimisme et l’inaction. Mais tous ne s’abandonnent pas à ce
laisser-aller.
Crédit Photo: Roodley ST-HUBERT
Ainsi,
ce samedi 14 octobre, Entre Les Pages et Cap-Jeunes ont offert à un public
varié la première édition de leur forum annuel. Pour cette première édition du
forum annuel, nous avons tenu à rencontrer un modèle : le titre annonçait
« Rencontre avec Anténor Firmin ».
Après
la projection d’une courte vidéo de présentation, le modérateur du jour Grégory
Clervaux Songer (étudiant finissant en sociologie) a invité l’assemblée à
écouter les propos du professeur Nelson Bellamy concernant le sujet
retenu : « Comment concevoir la conscience citoyenne à travers l’idéologie
de Firmin ? » Bien imbues de la vie et de l’œuvre de Firmin, car un
dépliant le présentant avait été distribué et le modérateur l’avait brièvement
présenté, les personnes présentes embarquèrent donc pour une conférence intéressante.
Il faut dire que les deux autres invités ont brillé par leur absence sur le
panel, ce que chacun a regretté à commencer par le professeur Bellamy.
On
a appris plusieurs choses à cette conférence. D’abord, sur la vie de Firmin.
Durant sa scolarité au Lycée National Philippe Guerrier, il a pris gout aux
« humanités » au contact du professeur Jules Nerf. Cependant, il est assez souvent
perçu comme autodidacte. Dans ce cas, il serait un autodidacte réussi car il
devint un brillant avocat. C’était rare de voir un jeune intellectuel de
l’époque ne pas s’engager en politique, c’est donc ainsi que le professeur
explique la militance politique de Firmin qui fonda le journal Le Messager.
Dérangé par la thèse raciste dominante de l’Europe alors, l’intellectuel qu’il
était réunit en dix-huit (18) mois seulement les éléments scientifiques
nécessaires (histoire, biologie, etc.) pour écrire son œuvre monumentale. Il
s’agit bien sur de l’ouvrage : De l’Egalité des Races Humaines. Ensuite,
sur l’œuvre de Firmin. Le professeur s’attarda sur les Lettres de Saint-Thomas
qu’il considère comme une vision pré-monitrice de l’occupation américaine.
Toujours dans ses prémonitions, mais dans un autre ouvrage, Firmin annonçait
dans environ un siècle il y aurait un président noir à la tête des Etats-Unis
d’Amérique, vu l’évolution de l’industrie dans ce pays et la régression de
l’esclavage. Je ne vous apprendrai pas que c’est arrivé…et dans les
délais ! Pour avoir contré Gobineau et les autres pseudo-scientifiques
racistes de son époque, Firmin peut être considéré comme le premier
« déconstructionniste » de la science occidentale, avant Césaire. Le
professeur a aussi donné des références de travaux sur Anténor Firmin tels que
ceux de Dantès Bellegarde, Jean-Price Mars et Leslie Péan. Toutefois, c’est le
passage de Firmin à la chose publique qui inspire le plus dans la vie de ce
grand citoyen. Jamais, nous dit le panéliste, jamais on ne reprocha à Firmin
d’agir contrairement à ses paroles. Il resta un homme de conviction, un honnête
serviteur de l’Etat qui ne vécut pas de la corruption et du détournement alors
même qu’il a été au timon des affaires nationales en tant que ministre des
finances. Deux fois à ce poste, il assainit à chaque fois les finances
publiques et il s’attira des ennemis bien sur…
Le
public n’est pas resté bien sage après l’exposé du professeur Bellamy, loin de
là. Les questions ne se sont pas fait attendre, et les réponses non plus. Une
belle interaction qu’il fallait bien suivre pour ne pas en perdre une miette. Pour
un exemple, à propos du rôle de Firmin dans la guerre civile contre le général
Nord Alexis, nous apprenons que son importance dans cet évènement vient de sa
renommée. Il faut donc l’inscrire dans le contexte post-indépendance où l’armée
était vue comme le dépositaire du pouvoir, les dirigeants politiques étant pour
la très grande majorité d’origine militaire. Ce qui conduit à des rapports
sociaux et politiques de type autoritaire qui investit en quelque sorte la
psychologie inconsciente de la population.
Applaudissements
et remise de certificat avec mention « Honneur et mérite » au
conférencier par le secrétaire général de Entre Les Pages, Jean-Reynald
St-Hubert.
A
toi, maintenant, toi qui as lu cet article : comment conçois-tu la
conscience citoyenne à travers la vie, l’œuvre, l’idéologie de Firmin ?
Jean-Elie François
Membre de Entre Les Pages
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