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Kite Peyi a mache




Par : Joubert Joseph

Après le séisme de magnitude 7.1 qui a ravagé Haïti le 12 janvier 2010 faisant plus 260 000 morts, une cinquantaine de pays et d’organisations internationales ont promis 12,4 milliards de dollars d’aide humanitaire et de développement et d’annulation de dette. Selon le dernier décompte des Nations unies, 80 % de ces fonds ont été déboursés. Pourtant jusqu'à présent la reconstruction n'a pas encore eu lieu.

Après ce tremblement de terre dévastateur Haïti se trouvait dans un moment décisif pour prendre son avenir en main mais depuis un bon bout de temps nous continuons de rater des occasions nobles pour faire du pays ce que nos ancêtres, tel que Dessalines, ont voulu, pour ne citer que ce dernier.
Si les américains ont pu différencier Snoop Dog de Barack Obama, les haïtiens pour leur part n'arrivent pas à faire cette différence. Plus de vingt-cinq ans après être sortis de la dictature sanguinaire des Duvalier, nous n'arrivons pas encore à saisir la démocratie dans sa totalité. Nous sommes naïfs et nous nous laissons guider par l'ignorance. Un an après le séisme, de complicité avec la communauté internationale qui ne cesse de s'ingérer dans les affaires internes du pays, nous avons opté pour Michel Martelly au lieu de Mirlande Manigat. Des protestants qui se cachent souvent derrière une posture moralisante ont fait une coalition pour supporter Michel Martelly, homme nul en politique, chanteur qui a fait une musique salace et qui n'hésite pas à se déshabiller sur scène. Nous connaissons tous les résultats, monsieur a vassalisé la fonction présidentielle et tout ce qui va avec.

Aujourd'hui, on assiste à une «sweetmickytisation» de la société haïtienne. Les diplômes n'ont aucune utilité, dit-on souvent. Et on considère tous ceux et toutes celles qui osent critiquer telle ou telle autre chose comme des «aigris» qui sont en train de «maigrir». On veut abolir la critique dans l'opinion publique comme si tout le monde devrait adhérer à la bêtise sans piper mot. Le président-nudiste qui n'a pas raté un moment pour clamer haut et fort qu'«Haïti is open for business», mensonge inégalable, est aujourd'hui comme un professeur avec des élèves qui se mettent à répéter après lui. Mais l'histoire retiendra que l'ignorance a connu des heures de gloire en Haïti. Il suffit de parler d'injustice sociale pour se faire appeler «frustré» ou «personne puante».

Huit ans après le séisme, Haïti n'est pas encore reconstruite. Près de 9 milliards de dollars américains de l'argent de la reconstruction ont été gaspillés [1]. Des bâtiments symboliques comme le Palais National et la Cathédrale de Port-au-Prince n'ont pas été reconstruits. La croix rouge américaine a collecté près d'un demi-milliard de dollars américains et n'a construit que 6 maisons avec dans la région métropolitaine de Port-au-Prince [2]. Là, nous sommes en droit de nous demander en quoi sont faites ces maisons ? Est-ce en or ou en diamant pur ?

Après que des chiffres aient prouvé que le quinquennat de «Sweet Micky» a été catastrophique, nous avons opté pour la continuité. Oui, le simple fait d'avoir un jardin de bananes suffit pour se faire élire président de la république. Maintenant nous avons un Jovenel Moïse qui a construit son programme politique sur le mélange de la terre, du soleil, des gens, des rivières et des arbres pour mettre le pays sur les rails du développement à travers la Caravane du changement pendant qu'il n'a pas les moyens nécessaires. Nous avons un Jovenel qui vient de remobiliser les Forces Armées d'Haïti (FAD'H), l'une de ses plus grandes promesses de campagne, la bonne blague, avec seulement 150 hommes sans les équipements nécessaires.

Nous avons un Jovenel incohérent qui a déclaré la guerre à la corruption, qu'il considère comme le problème le plus grave empêchant le développement du pays, mais qui vient de rejeter d'un revers de main le rapport-Beauplan sur l'utilisation des fonds Petro-Caribe. C'est un Jovenel qui se montre de jour en jour arrogant et incompétent qui ne fait que divaguer dans ses prises de parole les unes plus vides que les autres. Mais malheureusement le ridicule ne tue pas. Et en plus on doit laisser fonctionner le pays comme le dit si bien le slogan en créole «Kite peyi a mache.»
Joubert Joseph

[1] À Haïti, cinq ans après le séisme, l'impossible reconstruction, Le Monde.
[2] Haïti : Pourquoi la croix rouge américaine n'a construit que 6 maisons avec les 488 millions de dollars collectés, La Tribune.

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