Pollution
culturelle et corruption juvénile
A trop en faire, on perd les repères. Depuis peu, Haïti, dans son
histoire de peuple, est confronté à un problème à nul autre pareil duquel malheureusement,
nos dirigeants font fi.
En effet, il
s’agit d’une déculturation très poignante qui se traduit par la pollution
culturelle. Puisque la culture dans son sens large se veut être la
configuration des arts, lettres, sciences, modes de vie, lois, systèmes de valeurs,
traditions et croyances. Peut on oser
aujourd’hui dans la société haïtienne évoquer un tel terme sans se
heurter aux complexes culturels qui devraient ressembler à un ensemble plus ou
moins harmonieux et équilibré, d’où découlerait une attitude cohérente, qui
devrait par la suite imprégner de façon homogène, les expériences et les
traditions auxquelles sont soumises les différentes classes et catégories de
cette société. Une fois, un de nos commissaires et un sénateur, défenseur fervent
de la constitution et de la famille, s’était arrogé le droit, soit par
mesquinerie ou par simple partisannerie vis-à-vis de je ne sais quelles institutions,
d’interdire un festival qui, disait-il, porterait atteinte aux mœurs, à l’ordre
public et au fameux article 259 de la constitution qui stipule: « L’Etat
doit protéger la famille, base fondamentale de la société ». Pourtant, si
nous cessons de nous leurrer pour enfin découvrir et démasquer la fourberie des
personnages politiques qui ne se lèvent que quand leurs intérêts ou ceux de
leurs petits clans sont menacés, nous pourrons certainement nous demander dans cette même visée de protection
de la famille que font-ils pour la protéger de cette vague de pollution
culturelle, en l’occurrence la pollution et la prolifération musicales, qui se
propagent dans le pays? Peut -être se
complaisent-ils comme nous autres jeunes à jouir jusqu’au fantasme de cette musique
polluante et grivoise qui, au lieu de nous procurer simplement l’orgasme de la
peau, nous en procure partout et beaucoup.
Que font-ils pour
pallier à la trivialité criante des tubes musicaux où le sexe, l’argent et le
paraitre font bon ménage et sont prônés comme valeurs. Ce qui, pourtant ne
devrait pas les laisser indifférents, puisque s’érigeant en protecteurs de la constitution
et de la famille, ils se doivent de protéger cette dernière dans toute son intégralité,
du père jusqu’aux enfants, jusqu’à nous, jeunes, enfants de ces familles.
Nombreux sont les tubes musicaux où le sexe, voire la pornographie sont
verbalisés, à être diffusés à tort et à travers,
dans nos écoles, les tap-taps, les boites de nuit que l’on rencontre à chaque angle de rue,
fonctionnant du matin au soir, et qui pis, sont partout, les jeunes d’un
naturel déconcertant, le nez en l’air et les cheveux au vent en fredonnent les
refrains aux propos triviaux, immondes et obscènes. Comme si cela aussi était
dans l’essence de notre culture. Ils abondent aussi les tubes qui, de par leur nature, le paradigme véhiculé
s’identifie à cet adage: « La fin en toute chose justifie les moyens ».
Cette fin qui n’a pour fin que l’argent, les femmes, et le paraitre, la
« pipolisation », (people) ce qui devient enfin la seule et unique
motivation d’une jeunesse qui n’a
peut-être pas les moyens mais qui en créerait, tôt ou tard surement, afin de s’affirmer et de se faire
valoir.
Que font-ils pour empêcher
que cette dérive sociétale n’aille un
peu trop loin? Quasiment rien !
Nous laissant ainsi à la merci de ces mercenaires et de la médiocrité médiatique.
L’homme est né bon mais c’est la société qui le corrompt, disait Rousseau,
aussi relative que puisse être cette thèse,
elle se révèle en quelque sorte pourtant vrai, puisque « dis-moi dans
quelle société tu évolues, je te dirai qui tu es ! ». La jeunesse ainsi
délaissée est affectée jusqu’aux entrailles des multiples tares rongeant la société actuelle ; l’hégémonie
culturelle et médiatique, l’expansion des réseaux sociaux qui, de par leur
politique corruptrice, ne prônent que le paraitre et la réussite
immédiate et absolue, ce qui
fait payer à nos dirigeants et les familles, complices
silencieuses, qu’ils prétendent protéger les conséquences de leurs inconséquences:
augmentation du taux de l’insécurité, décrochage scolaire, et divers autres fléaux
qui rongent à petit feu la société haïtienne sans compter la migration massive des jeunes vers l’étranger. Ces jeunes qui
pourtant représentent une partie importante des ressources humaines du pays,
que malheureusement nos dirigeants et la société exploitent à mauvais escient, qu’en outre une partie de la société civile paient pour
les corrompre davantage. Si vrai qu’on
vient récemment de sacrer champion,
Roody RoodBoy, instigateur d’un clash pimenté et d’une trivialité sans précédente
entre lui et plusieurs de ses pairs, qui fait le buzz sur le web et dont ses
tubes sont les uns plus obscènes que les autres. Comme si nous autres jeunes
n’étions que des objets de rebut ou de simples poubelles destinées à ne
recevoir comme valeurs qu’abjections et obscénités, d’une structure sociétale fondée
sur l’hypocrisie, la mesquinerie et le profit.
On couronne la vulgarité, on couronne la médiocrité et pour couronner le tout on couronne même la bêtise.
Et pourtant, comme disait l’autre, dans son discours adressé à la jeunesse estudiantine
le 18 novembre lors de la commémoration de la Bataille de Vertières au
Cap-Haitien, la renaissance d’Haïti repose sur nos épaules. Qu’aurons-nous dans
notre vulnérabilité à offrir comme système de valeurs à l’Haïti de demain
puisqu’on ne peut donner ce qu’on n’a pas ?
Auteur: Lussore JOSEPH
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