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Le banditisme et le magico-religieux




 Rubrique Haiti et ses Milieux

L’univers magico-religieux se développe et se maintient d’une façon particulière d’une société à une autre. Cet univers a quasiment les mêmes traits caractéristiques des sociétés qui conservent encore dans leurs structures sociétales des éléments culturels favorable à une pleine manifestation du magique et le religieux. Ici, on parle de magico-religieux dans le sens de l’ensemble de pratiques qui ont leur source à une causalité surnaturelle soit normal ou anormal (Schmidt1913). Ce travail vise à dégager cet enchevêtrement du banditisme et l’univers magico-religieux qui présente des ambigüités dans la compréhension d’un pan dans la vie du bandit dans la communauté haïtienne. Ainsi dire, nous nous attachons à comprendre ce phénomène du point de vue langagière, puisque c’est au niveau de l’opinion qu’est constitué notre préoccupation. C’est de ce lieu qu’on essaie de comprendre le sens subjectif  dans la construction du discours magique sur le banditisme. 

La société haïtienne est jalonnée tout au long de son histoire par des (mythes ou des faits) qui dégagent son aspect mystérieux, des faits que nous connaissons sur certains de nos héros de l’indépendance comme ayant été invincible, revêtis de quelques pouvoirs à échapper aux attaques physiques comme ce fut le cas de notre François Capoix dit Capoix la mort et Makandal. On est même arrivé  à douter de leur mort. Là on tente de voir dans notre histoire des personnages qui, dans la croyance populaire haïtienne, ont été des gens mystérieux: le premier tomba sur son cheval sur un coup canon de l'ennemi lors de la bataille de Vertières et se tint rapidement debout en marchant sur l'ennemie en criant à l'assaut. Le second aurait le pouvoir de se transformer en maringouin (moustique). N’est-ce pas là toute une série de faits relevant de l’ordre des représentations qui, traversant le temps, arrivent jusqu’à nous avec une trame d'éléments exotiques témoignant d’une tradition forte et puissante? Comment comprendre de nos jours, il est devenu monnaie courante qu’on entend presque partout en haiti des gangs ne sont pas atteignable par balles? D’autres discours encore témoignent de la capacité de certains gangs à s’échapper en fumée, et ne peuvent pas mourir par machette. Nous n’avons pas, à travers ce travail, à aborder le monde magique en général du banditisme, ni même de prétendre de dégager les procédés magiques, ni non plus d'expliquer des cas  
vécu. Mais nous essayons justement de dégager la signification du discours magique sur le banditisme qui attire notre attention.

Pour le plus courant dans les discours, on peut prendre l’exemple de "bandi pa pran bal" qui est une pratique très dominante dans la société haïtienne, cette pratique s’est évoluée dans la pensée magique haïtienne en rapport avec tout ce que cela comporte dans la pratique. Donc le "bandi pa pran bal"  consiste à travers les discours sur le bandit à aller chez un bòkò ou ougan pour se doter d'une capacité surhumaine. Pour se faire, l’individu se soumet aux alchimies du bòkò. Ce dernier procède par des incantations et des utilisations d’objets et d’ingrédients  au cours du rituel pour arriver au résultat escompté. En fait, tout au long de ce procédé il peut y avoir tout une construction imaginaire et partagée à travers la population, de sorte que celle-ci participe à la conception du bandit comme étant un être invincible, un superman en d'autres termes. 

Toutefois  rien de tout cela ne vient éclairer le rôle et la signification de cette pratique courante (bandi pa pran bal) dans ces manifestations concrète. Du reste, de manière générale c’est dans les pratiques culturelles qu’on peut se rendre compte de la consistance d’une telle activité qui a son mode organisation, et ses différents corollaires discursifs. En effet, le bandit pour s’assurer d’être le chef et consolider son pouvoir surtout dans les quartiers populaires, la magie constitue pour ce dernier un atout stratégique pour rester le plus possible en vie, mais cette pratique n’exclut pas de manière générale tous les gens (policiers, et autres gens) et pour des raisons d’ordre personnel quelqu'un peut se prémunir d'un talisman résistant à l'épreuve des balles. Ce qui n’est empiriquement falsifiable, mais, constituant un poids important dans l’imaginaire sociale locale. 
 
Maintenant, assurons nous de ne pas faire objet magique, mais de voir anthropologiquement comment cette question de pa pran bal s’érige dans les rapports sociaux entre la population et les bandits, le rapport policier-bandit, donnant lieu à une série de discours, toutefois pertinents. Ce qui nous donne en dernier ressort un objet de réflexion et de recherche scientifique. Enfin, sans vouloir discréditer et reléguer au domaine du mythe, il est important de se pencher sur les sources matérielles et tangibles qui participent à la construction du discours magique du banditisme. Qu’est ce qui a de réel et de mythe? Est-ce une stratégie manipulatoire pour se faire fort et invincible? De tout fait, on a tout un ensemble d’images qui se sont construit à travers le langage populaire sur le banditisme, et s’est constitué un sujet de remous dans les milieux populaires.


Le pallier légitimateur du banditisme.  

Tout ce qui se produit à l'intérieur d'une société correspond à un ensemble de conditions sociales qui le rend possible. Le pallier des expressions populaires constituent le pivot légitimateur de certaines pratiques sociales. En fait, il y a un foyer de discours sous-jacent aux pratiques sociales qui constituent en quelque sorte la sphère de  valorisation de certaines conduites déviantes. C’est en effet, dans le milieu du monde du spectacle, de la musique en l'occurrence, notamment dans les milieux du hip hop que l'on retrouve certaines tendances favorables à la violence. 

A ce niveau, les actes de violences sont des phénomènes socialement valorisés pour reprendre l'expression d'André Corten. A l'intérieur de ce cercle, il y a une course à montrer qui est le plus violent. A ce critère d'évaluation du niveau de violence, la figure du gangster devient prestigieuse pour celui à qui elle est attribuée. Dans ce domaine, les musiques qui ont connu beaucoup succès en termes de popularité sont celles qui font l'apologie de la violence. "Ou pa k gangstè" est l'une des track ( musique) gravé sur le tout premier Album ( goumen pou saw Kwè) d'une des groupes les plus populaires en Haiti, Barikad Crew dit BC. Son rival, Rock Fam, a connu avec Pa pwoche, un succès fou. Et  avec un autre artiste Roody Wood Boy, dans ce grand titre Blòk Pam où il fait l'apologie de la violence. S.A.L etc. Bref, ce sont là des cas illustratifs pertinents du foyer des discours légitimant la violence.  

Par ailleurs, si l'on se situe sur le plan individuel, force est de constater que dans certain contexte ou situation, la revendication d'être originaire de la marge peut apporter respect et prestige. Quand on est craint, on est respecté. En plus, même ceux qui ne sont pas de la marge s'en sert soit pour dissuader, soit pour se faire redouter afin d'obtenir du respect. En fait, derrière certaine expression populaire, " nèg geto", "nèg gran ravin ki la», se profile une arène pour s'affirmer, pour se défendre. Dans certaines circonstances, les origines sociales marginales sont valorisées. Cette panoplie de tendance prônant la violence assure le relais légitimateur des actes criminels dans notre société. 

Bibliographie 

Durkheim, Emile.Le crime, phénomène normal. In: déviance et criminalité. Textes réunis. Paris, Armand Colin, 1894. 
Sutherland, Edwin. ‘’Principles of criminology", the university of Chicago press, 1924. (Version éléctronique) 
Abélès, Marc. ‘’Anthropologie de la globalisation", éditions Payot et Rivages, Paris, 2008 
Pierre, Bourdieu. "Méditations pascaliennes", Paris, Seuil, Coll. Libres, 1997, 316 P. 
 Giorgio, Agambens. Homo Sacer, I: le pouvoir du souverain et la vie nue, Paris, Seuil, 1997 
Corten, André. " Valeurs sociales et économies au seuil de la croissance ". Paris/Louvain, les éditions Nauwelarts, 1967, 233. Pp (version électronique) 
 P. G. Schmidt. "A la recherche, d'une définition de la Magie «Source: Anthropos, Bd. 8, H. 4. /5. (Jul. - Oct., 1913), pp. 883-885 (version éléctronique) 
Gilles, Alain. " Pourquoi tant partis politiques? Et à quoi ils sont utiles"  in: Haiti Perspective, vol.4.no3. Automne 2015. 

Auteur : 
Charles Richard 
Patrice Lovenord Joanel 
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