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«Peuple sauvage»: entre efficacité de la machine coloniale et le manque de production intellectuelle sur la colonialité en Haïti.


En vue de justifier l'entreprise coloniale et de favoriser, avec un argumentaire de mission civilisatrice des colons, toute une vague de littérature coloniale allait se développer sous la France de l'ancien régime en particulier et dans toute l'Europe en général. La mission dite civilisatrice du colon allait être justifiée par un discours raciste. Ainsi sont élaborés "le mythe du bon sauvage" et "la théorie de la table  rase" qui faisait des terres colonisées des lieux sans culture et sans histoire(en terme de sociétés résistants au changement) qu'il fallait sortir de la nuit de la sauvagerie. Ceci a contribué à enraciner dans l'inconscient collectif haïtien un complexe d'infériorité et un mépris de sa propre culture et de ses semblables pour une recherche effrénée de s'attribuer les valeurs et les traits de ressemblance du colon.

La société haïtienne se trouve alors piégée et entravée dans ce discours raciste. Et Roody Rood Boy, en tant qu'il fait de l'art ou de la musique, se trouve lui aussi piégé jusqu'à adopter le traditionnel mimétisme colonial. De part son dernier meringue carnavalesque dans lequel il qualifie le peuple haïtien de sauvage, il participe inconsciemment, à la réactualisation d'un discours raciste vieux de plusieurs siècles, concocté par des intellectuels européens qui étaient au service de machine coloniale. Qu'il s'agisse de la sauvagerie ou de la barbarie, ils sont tous deux des concepts coloniaux.

Dire que le peuple haïtien est sauvage à une double signification. Premièrement, c'est dire qu'il est incapable de revendiquer correctement ses droits, comme si il y aurait un schéma de revendication pré-établi à partir duquel tout mouvement contestataire devrait se conformer. Et deuxièmement, c'est prendre une posture de civilisé qui justifierait n’importe quelle forme d'intervention occidentale qui aurait pour mission de faire goûter à ces bandes de sauvages les fruits de la civilisation.

Par rapport à la deuxième conséquence où il prend la posture de l'homme civilisé, le champion en titre du carnaval national se plonge dans une profonde illusion. Car, aux yeux de l'autre(le blanc), il sera toujours vu comme un haïtien et, par dessus-tout, un noir. Si après plus de 200 ans d'indépendance, il est encore aisé de coller une épithète de sauvage sur le dos du peuple parce qu'il exige, dans certaines circonstances avec violence, de la justice sociale, de la transparence, des meilleures conditions de vie, c'est parce qu'il y a, entre autres, une carence en matière de production intellectuelle, académique et scientifique sur la colonialité dans le pays. D'où la nécessité pour l'université, la société civile et l'État de s'investir dans une dynamique de construction d'un autre discours. Un discours émancipateur porteur de valeurs haïtiennes.

Toutefois, il y a un enjeu de taille à prendre en compte dans cette dynamique de contre discours. Il s'agit de savoir quels outils intellectuels, théoriques et conceptuels à utiliser pour la production de ce nouveau discours. Allons-nous nous servir des mêmes outils élaborés par les intellectuels européens ou tracer notre propre voie quand on sait que tout contre discours produit à partir ou à l'intérieur d'un discours risque de légitimer celui-ci?

Auteur: Gérald CADET, étudiant finissant en science politique (CHCL)

Tél: +509 46 85 58 03

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