Dans ces courtes lignes, on va s'éviter la tache, devenue
accablante et de trop, de se masturber sur notre passé combien héroïque,
certes, en tant que peuple. Autrement dit, on ne compte pas faire un retour
incessant, ce serait d'autre en plus lamentable et répétitif car tant d'autres
l'ont déjà tourné, retourné dans tous les sens. Pas qu'on l'ait oublié ou n'en
soit pas fier, mais ce n’est pas notre objectif.
Aujourd'hui, tous les faits se mélangeant et donnant un cocktail
de très mauvais goût nous pourraient nous inciter à tristement conclure,
qu'après plus de 200 ans, que les fleurs n'ont pas véritablement tenu leur
promesse. Ce serait une dure, mais peut-être juste, conclusion de la part de
nous autres qui vivons en 2019 en Haïti. Nous titubons encore dans une
interminable transition, dit-on, démocratique. Nous qui avons montré aux autres
peuples la lueur au bout du tunnel, nous sommes traités de sauvages, de
barbares par nos paires. L'évangile serait-il en train de s'accomplir? Les
premiers seront les derniers et les derniers seront les premiers arrivés. Détrompez-vous,
le monde est une jungle. Mais c'est inadmissible de s'autodétruire au 21ème
siècle.
L'Haïtien du 21ème siècle vit en Haïti mais rêve de
là-bas. On parle de l'ailleurs, ça évite de limiter notre espoir, de se fixer
sur le pays de Tonton Sam. Ailleurs veut surtout dire quelque part qu'on ne
connait même pas mais on est amplement satisfait de savoir que cet Ailleurs est
beaucoup mieux qu'ici. Aucun autre endroit ne peut être pire qu'ici. Là où on
végète. Ce lieu « maudit » où les rêves tournent en cauchemars. « Naje
pou soti », explique fort bien le mépris on ne peut plus exacerbant des
dirigeants. La mer des Bahamas a bu le sang d'une vingtaine la semaine
dernière, ils n’ont pas pu nager pour s’en sortir. Ils-elle étaient tous-toutes
en quête d'un mieux-être. D'autres fatigués et déçus reviennent aux bercails.
« Wòch nan dlo pa konn doulè wòch nan solèy". Ah les belles voitures,
les restaurants, les accoutrements chics des gens qui font leur beurre dans la
politique, la contrebande et autres choses de ce genre, vous voyez de quoi je
veux parler. Ce sont eux qui sont dans l'eau, une minorité. La majorité, elle,
vit dans la crasse au regard méprisant et sans gêne du petit groupe.
Le 21ème siècle n'a rien d'extraordinaire sinon la
recrudescence de ce que B. Badie appelle des « espaces sociaux
vides », là où les services sociaux de base et l'Etat n'existent pas mais ce
dernier se fait remplacer par des individus réputés pour des actes de malversations
et de banditisme. Ils sont devenus des commandants, et les marchands de micro
leur donnent la parole au nom de la liberté d'expression. La population aux
abois tourne le dos au président devenu pantin et illégitime pour aller se
réfugier dans les bras des hommes recherchés par la police, des sauveurs à
leurs yeux. Les gangs et les hommes politiques, une histoire d'amour qui n'est
pas près de finir. Au 21ème siècle on aura tout vu en Haïti. Aussi les chômeurs
à proprement parler et les chômeurs déguisés. Il faut noter que la population
active est estimée à 4.8 millions selon une estimation de la banque mondiale en
2016. Cependant, on estime à environ 70% le taux de chômage. D’une part,
certains se transforment en apôtres de l'entrepreneuriat sans accompagnement
réel de l'Etat. Des prophètes de la réussite claironnent le leadership un peu
partout. D’autre part, dialogue, consensus, pacte de gouvernabilité font office
d'Evangile de la part des politiques. L’opposition en toute vraisemblance n’a
pas d’alternative sérieuse.
L'Haïtien du 21ème préfère bêtement pratiquer la
politique de l'autruche, se voiler la face en sauvant l'apparence aux yeux des
internautes. « M ap byen pase », c'est le slogan qui nous donne le
courage de nous lever tous les matins. L'idée que nous vivons mieux que nos
frères et sœurs nous rassure. D'autres préfèrent aller prier tous les jours
espérant que Dieu va prendre soin d'eux comme il a fait avec Eli dans le
désert. Nous sommes dans un désert. Il va envoyer le fameux corbeau, ce qu'il a
effectivement fait. Le bateau de riz qu'a négocié le président est sorti comme
une solution magique de son chapeau. Vous aviez faim, je vous donne à manger.
Rentrez chez vous! Le Core Groupe dit quoi faire aux brebis galeuses qui
menacent l'idéal démocratique. Un dimanche j'ai entendu dire un pasteur que la
fin des temps arrive, nous les chrétiens devons plus que jamais continuer à
prier en s'appuyant sur le cas du Venezuela qui était riche et maintenant les
gens meurent de faim. Le pasteur oublie le pétrole, éternelle cible des grandes
puissances. Ah la bêtise insiste toujours, disait Camus.
La vie en Haïti au 21ème siècle ne pèse pas dans la
balance de l'autre. Ne vaut pas grand-chose. On meurt par pure
« erreur ». Par manque d'argent. Dans l'Haïti du 21ème Siècle, c'est
chacun pour soi. « Se mèt kò ki veye kò ». Pas de feu de circulation.
Une moto, une voiture peut à tout moment vous renverser. On est mort, la vie
continue. L'Haïtien d'aujourd'hui vit dans la peur, la honte, la frustration, la
colère et sa dignité ne vaut pas grand chose. Les jeux de hasard prennent la
place d’un travail décent. Les borlettes
pullulent. Son corps ne vaut pas non plus grand chose sinon quelques malheureux
dollars aux yeux du riche. Les besoins de première nécessité sont quasiment
insatisfaits. La gourde est en chute libre. En attendant, la colère, la haine
montent et les inégalités continuent de se creuser. Tout cela va finir par
éclater. Les avis sur la violence sont partagés, bref. Nous sommes au 21eme
siècle et les choses ne vont pas mieux. L'Haïtien du 21ème siècle n'aura pas
d'autres choix que de se révolter.
Djedly François JOSEPH, Etudiant finissant en science
politique.
Faut-il continuer alors de dire,de parler ...sans viloence il est temps de l'action... 2020 ils seront candidats.. 2021 ils seront candidats.. 2022 ils seront candidats... J'espère qu'on sera là pas pour les regarder mais pour les taquiner au plus haut niveau de la politique médiatisée
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