Entre Les Pages dans
son souci permanent d’éclairer la population haïtienne, s’est fait le devoir de
s’entretenir avec Me Peterly Pierre, licencié en sciences juridiques, sur la
question d’extradition en Haïti.Il a favorablement accepté de répondre à nos
diverses questions sur la notion d’extradition.
ELP :
Que signifie « Extradition »?
PP :
L’extradition a son origine dans le latin. Ce mot vient de deux (2)
racines selon le dictionnaire Petit Larousse (2015) : ex ( hors de), et traditio(action
d’expulser). Il est utilisé en Droit International Public et en Droit Pénal
; il a pour définition procédure d’entraide répressive internationale
par laquelle un État, appelé État requis, accepte de livrer un délinquant qui
se trouve sur son territoire à un autre État , État requérant, pour que ce
dernier puisse juger cet individu ou, s’il a déjà été condamné, pour lui faire
subir sa peine. (GUILLIEN, Raymond et VINCENT Jean. Lexique des termes
juridiques, Dalloz, 12ème édition, 1999, p. 242.).
Àsouligner qu’il ne faut
pas confondre les demandes d’extradition et les demandes de transfert vers les
juridictions pénales internationales.Le transfert des accusés au Tribunal International
ne relève pas des relations juridiques entre les États, mais de l’attitude
générale de coopération que chaque État doit accepter à l’égard d’un tribunal
pénal international. (note du Secrétaire général, rapport du Tribunal
international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de
violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire
de l’ex-Yougoslavie depuis 1991…)
ELP :
Est-ce que cette définition est générale,
de manière à ce qu’elle s’applique à toute relation Étatique ou des États
peuvent adopter une définition entre eux (Exemple entre Haïti et les États-Unis).
P.P :La
définition sus-mentionnée est générale, donc s’applique à toute situation où le
mot extradition est présent. Mais, Ce mot a d’autres définitions. Ces dernières
doivent tout simplement respecter les conditions donnant raison à ce terme. Par
conséquent, des États peuvent adopter une définition particulière dans leur
traité.Par exemple, comme il est mentionné dans la question, Haïti a signé des
Traités avec les États-Unis. Et, dans l’un de ces Traités la définition
suivante a été adoptée : acte par
lequel, un État livre à un autre État, sur demande, un individu prévenu, accusé
d’avoir commis telle infraction déterminée par la loi ou par les Traités ou
condamné pour l’avoir commise sur le territoire de l’État qui le réclame afin
de le faire juger par l’autorité compétente ou de lui faire subir sa peine.
(Loi sur l’extradition des criminels fugitifs, 27 août 1912).
ELP :
Dans quelles conditions les États
peuvent-ils procéder à l'extradition?
P.P :
Le plus souvent, pour procéder à
l’extradition, une convention existe entre les États. Mais l’extradition est
possible même en dehors de traité d’extradition entre les États. La décision d’accorder
ou non l’extradition, après demande de l’État requérant, relève du pouvoir
souverain de l’État requis. Ce dernier n’est pas tenu d’y procéder. Mais peu
importe s’il y a convention ou pas, l’extradition doit respecter des
conditions.
Nous pouvons établir la
liste suivante quant aux conditions pour qu’un État requis puisse procéder à
l’extradition, d’après la définition de ce terme, suivant la loi du 7 août 2001
relative au contrôle et à la répression du trafic illicite de drogue, le traité
du 9 août 1904 entre Haïti et les États-Unis, la loi du 27 août 1912 sur
l’extradition des fugitifs entre Haïti et États Unis, et la loi sur le blanchiment
des avoirs provenant du trafic illicite de la drogue et d’autres infractions
graves (Le Moniteur No. 97 du 3 décembre 2001) :
La demande. Il faut
nécessairement qu’un État, État requérant, formule la demande d’extradition. Un
État ne peut volontairement, sans demande, choisi d’extrader un individu.
Cette demande doit être
effectuée par voie diplomatique, sauf en cas d’urgence. Elle sera accompagnée d’une
traduction en créole et en français. (Article 117 de la loi du 8 août 2001, et l’article
5.4.2 de la loi sur le blanchiment des avoirs et d’autres infractions graves
précitées, article 10 du traité du 9 août 1904 et l'article 10 de la loi sur
l’extradition des fugitifs du 27 août 1904).
La demande doit préciser :
1. L’autorité qui sollicite la mesure ; 2. L’autorité requise ; 3. L’objet de
la demande et toute remarque pertinente sur son contexte ; 4. Les faits qui la
justifient ; 5. Tous les éléments connus susceptibles de faciliter
l’identification des personnes concernées et notamment l’état civil, la nationalité, l’adresse et la profession
; 6. Tous renseignements nécessaires
pour identifier et localiser les personnes, instruments, ressources ou biens
visés ; 7. Le texte de la disposition légale créant l’infraction de la peine encourue
pour l’infraction. D’autres éléments doivent y être insérés pour certains cas
particuliers.Et en cas de demande d’extradition, si l'individu a été reconnu
coupable d’une infraction, le jugement ou une copie conforme du jugement ou de
tout autre document établissant que la culpabilité de l’intéressé a été reconnue
et indiquant la peine prononcée, le fait que le jugement est exécutoire et la
mesure dans laquelle la peine n’a pas été exécutée. (article 118 de la loi du 8
Août 2001 et l’article 5.4.3 de la loi sur le blanchiment…,3 décembre 2001).
La commission d’une
infraction. L’extradition doit être demandée contre des individus ayant commis
des infractions dans la juridiction de l’État requérant et qui se sont réfugiés ou
auront été trouvés sur le territoire de l’État requis. Par exemple, des individus ayant commis des infractions aux
États-Unis et qui se trouve sur le territoire haïtien. (article premier de la
loi du 27 août 1912 sur l’extradition des fugitifs entre Haïti et États-Unis).
Cette infraction ou une infraction similaire doit inévitablement être prévue
dans la législation haïtienne pour que l’extradition soit possible. (article
111 de la loi du 8 août 2001 et l’article 5.3.2 de la loi du 3 décembre 2001).
Cette infraction doit être une infraction de droit commun, et non pas une
infraction politique, car les infractions à caractère politique ou si la
demande est motivée par des considérations politiques, l’extradition ne sera
pas accordée. (article 112 de la loi du 8 août 2001, article 5.3.3 de la loi
sur le blanchiment du 3 décembre 2001, article 7 du traité du 9 août 1904 sur
l’extradition entre Haïti et États-Unis).
L’État requis peut,
comme il peut ne pas vouloir, accorder l’extradition. Et lorsqu’elle est
accordée, l’extradition doit être réalisée suivant la procédure préalablement
fixée.
ELP :
Un État est-il en droit de s'opposer à
l'extradition d'un citoyen? Haïti est-il obligé d’extrader son citoyen aux
États-Unis par exemple?
P.P :
Pour une plus nette réponse, il faut
préciser que l’opposition à l’extradition dont on parle ici est celle de l’État
requis et non pas d’un État tiers.
Il est très important
de souligner qu’il n’est fait aucune obligation à l’État requis de procéder à
l’extradition de ses citoyens. Haïti n’est pas dans l’obligation de donner
suite à une demande d’extradition contre son citoyen. (article 4 du traité du 9
août 1904 sur l’extradition en Haïti et États-Unis). Les Haïtiens sont justiciables de
l’État d’Haïti. (article 4 de la loi du 27 août 1912 sur l’extradition des
fugitifs (entre Haïti et États-Unis)). En outre, il est interdit à l’État
haïtien de déporter ou de forcer un individu de nationalité haïtienne de laisser
le territoire national pour quelque motif que ce soit. (article 41 de la
Constitution haïtienne de 1987, amendée).
ELP :
Considérant toutes les informations (avec beaucoup de références) que vous avez
fournies, il nous revient de vous demander, pour terminer, quelle est votre
appréciation de la législation haïtienne relative à l’extradition ?
PP : La
législation haïtienne sur l’extradition respecte en grande partie, comme beaucoup
d'autres d’ailleurs, le contenu du traité type d’extradition adopté par la résolution 45/116 du 14 décembre 1990 de l’Assemblée
générale des Nations Unies.
L'extradition n’est pas
traitée dans un seul document ou ne se trouve pas dans un texte de référence. Haïti
a signé des traités avec beaucoup de pays sur l’extradition (exemple :
Grande Bretagne et États-Unis), mais le Code d’Instruction Criminelle qui règle
la procédure en matière pénale n’en parle pas. Pour avoir des informations,
même basiques, sur l'extradition, il faut effectuer beaucoup de recherche et
accepter d’être déçu également. Mais, le Projet
de Loi portant Code de Procédure Pénale traite de
l’extradition dans 39 articles (articles 955 à 994). Ce sera, si on l'adopte, une aide considérable en
matière de référence rapide.
Entretien réalisé avec
le support de D.F. JOSEPH et A. Albert
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