Une cruelle sous-estime de soi et de nos frères, tel est le mal radical et
destructeur résultant de la campagne systématique d'infériorisation du nègre
entretenue sans répit par l'Occident durant la colonisation. Et l'objectif est
atteint.
Nous entendons souvent cette expression: il est "nwè" (noir
foncé), lèd ( laid)! A noter qu'on est pas laid parce qu'on est laid mais parce
qu'on est "nwè" (noir foncé). Nous sommes souvent des néo-colons
vis-à-vis de nos frères descendants d'esclaves comme nous. L'Haïtien est
souvent de fois plus méprisé au milieu de ses frères nègres qu'au milieu de ses
ex-colonisateurs. Le mal qui nous ruine est en nous et chez nous. Nous nous
sentons toujours rejetés chez nous, par nous. Toujours un sévère mépris de
l'être nègre par l'être nègre qui nous empêche d'accepter notre personne et de
vivre avec fierté. C'est pourquoi nombre
d'entre nous clament toujours qu'ils sont fiers d'être noirs. Pourquoi répéter
sans cesse qu'on est fier d'être noir? C'est sans doute parce que nous
souffrons. Nous souffrons d'un énorme complexe d'infériorité. Le blanc ne dit pas qu'il est fier d'être
blanc. Ce complexe d'infériorité est souvent dû au mépris combien choquant dont
nous sommes victimes tous les jours dans notre environnement composé de nègres
comme nous.
Une camarade de classe à l'Université m'a dit un jour qu'elle n'est pas
descendante d'esclaves parce que son nom de famille est d’origine française. Dans
ses yeux éclatait une admiration naïve pour son nom de famille qui, selon elle,
n'est pas haïtien. Peut-être. Mais elle ignorait que nous avons presque tous
des noms français parce qu'en arrivant à St Domingue, on nous a enlevé tout ce
que nous avions comme identité. Que l'on soit descendant de famille royale de
tel tribut africain que ce soit, on n'était à St Domingue que du bétail,
propriété d'un maître blanc qui nous baptisa et nous donna son nom propre.
Il existe toujours chez nous cette folie de nous distinguer des autres en
essayant de justifier une prétendue descendance différente de celle des autres,
un rang social différent, une petite différence dans la couleur de la peau (plus
foncée, moins foncée; plus claire moins claire ) etc. Nous faisons chaque jour
tout ce qui est possible pour rappeler à nos frères, mais de manière très
brutale, qu'ils sont " nwè" ou laids et condamnés. Nous arrivons même
parfois à imaginer qu'un enfant issu
d'une personne claire et d'une autre noire foncée est plus joli qu'un autre
issu de deux personnes noires foncées. Affectueusement, nous disons que c'est
du " café au lait."Chacun a son droit le plus entier de choisir la
personne qu'on aime ou même la couleur qui lui plait. Mais le problème reste
dans l'immense préjugé qui se cache parfois derrière son choix. C'est aussi
parce que nous prétendons qu'une personne est belle parce qu'elle n'est pas
noire foncée.
Nous avons encore tous ces maillons de chaine qui maintiennent prisonnière
chaque cellule de notre cerveau. Dans nos rangs, trop de néo-colons blancs dans
des corps nègres. Et ils sont de loin plus méchants que les colons blancs tout
court. Je ne veux pas être hypocrite en disant que toutes les personnes sont
belles et j’en passe... Mais je sais qu'une personne n'est pas laide juste
parce qu'elle est "nwè" ( noire foncée). C'est le comble! Nous sommes
exactement ce que nous ne voulons pas!
Notre problème c'est nous! À l'instar des anciens colonisateurs
occidentaux, nous confirmons une sorte d'infériorité chez nos frères nègres parce qu'ils sont plus
"foncés" que nous. Il faut donc accepter que notre chemin est encore
long. Éducateurs, maîtres, prêtres, pasteurs et patrons haïtiens sont tellement
"occidentalisés" qu'ils n'arrivent pas à contribuer au renversement de
cette infériorisation. Plus on est proche du succès personnel, plus on est
"colon" dans notre mentalité. Et c'est l'une des principales causes
de toutes ces haines qui rongent notre société. Car dans l'âme du méprisé
bouillonne toujours une violente colère. Dans son fond intérieur gronde en
permanence un orage de rancune. Il est grave de constater les fronts de
certains d'entre nous couronnés par un orgueil de race. Cette perception tordue plus clair(e)= moins
laid(e) et moins clair(e) = plus laid(e) fait de nous des esclaves « libres »,
non libres. Ces banalités encombrent nos
raisonnements.
On dit toujours que celui qui pardonne fait plus de bien à lui-même qu'à
celui à qui il pardonne. On dit aussi que faire du bien à autrui, c'est faire
du bien à nous-même. Faisons donc du bien à nous-même en cessant de considérer
qu'une personne est laide parce qu'elle
est "nwè"; valorisons-nous en mettant en valeur nos frères; clamons
notre beauté en cherchant les innombrables beautés qui font de nos frères de
merveilleuses créatures divines; sécurisons-nous en sortant nos frères de la
précarité; rendons-nous plus beaux en améliorant la beauté des autres; soyons
plus supérieurs en contribuant à renverser les complexes d'infériorité qui
ruinent nos compatriotes; soyons sans défaut en ignorant les imperceptibles
défauts qui se dissimulent parmi tant de brillantes qualités chez nos
frères; vivons en paix en inculquant à
nos concitoyens l'amour, le respect, la tolérance, la charité, la positivité,
l'intégrité et la transparence; et enfin soyons parfaits en acceptant que nous
sommes tous imparfaits
Widly Carpentier/
Sagittarius
carpentierwidly@yahoo.fr
(509)43467462/38780658
Aucun commentaire:
Write comments