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« Dany Laferrière, un auteur particulier » : Carlyle Adrien raconte ses aventures



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Carlyle Adrien est sociologue de formation, professeur à l’université d’Etat d’Haïti. Il est avant tout lecteur. Originaire de Petit-Goâve, tout comme l’invité d’honneur à livres en folie cette année, l’immortel Dany Laferrière. Notre équipe le rencontre pour un entretien exclusif à l’occasion de la rubrique « auteur du mois ». Il est épris d’un sentiment de joie. Il nous livre sa grande aventure dont nous offrons ici une partie.
  
J’ai eu la chance de rencontrer Dany à la bibliothèque municipale de Petit-Goâve, en 2004, commence-t-il par raconter. J’étais en philo. Jeune adolescent, j’ai été amené à lire son texte phare presque d’un trait : Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer. J’avais la possibilité d’emprunter d’autres de ses ouvrages. A ce moment là, j’ai su qu’il a été l’ami de mon père. Un intérêt de plus à lire Dany. 

Lire Dany a été une expérience particulière parce qu’il ne fait pas dans la fiction. C’est un auteur qui prend la réalité quotidienne, un cadre spatial que certains peuvent déjà vivre ou connaitre très bien. Il en donne des anecdotes. Quand il parle de certains endroits en lien avec Petit-Goâve dans L’Odeur du café, je me sens vraiment concerné. Je connais ces lieux. A partir de ses descriptions, j’ai pu voir l’évolution. Par exemple celles de la Rue Lamarre. De la caserne. J’essaie de voir les différences entre l’enfance de Dany et la mienne. En ce sens, il est un auteur particulier.

Ensuite, j’ai suivi Dany à Port-au-Prince dans Le gout des jeunes filles, ou encore à Montréal. Bref, je l’ai beaucoup lu. C’est un voyage assez exceptionnel. J’ai aussi vite compris qu’on n’a pas besoin de passer par des formules extraordinaires pour raconter des choses extraordinaires. Son écriture est simple mais ce qu’il raconte est profond. C’est ce qui fait toute la splendeur de son œuvre.


Mes ouvrages préférés restent Le charme des après-midi sans fin et l’Odeur du café dont le cadre est ma ville natale. Mais j’ai eu une expérience extrêmement particulière avec Tout bouge autour de moi. Un petit texte produit à l’occasion du séisme de 2010. Il a voulu offrir une autre Haïti que celle qu’on offrait à la télé, sur internet. Certes, le pays était meurtri mais il y a eu cette envie de vivre, Il y a cette marchande de fruits qui sort le lendemain du 12 janvier malgré l’apocalypse autour d’elle ou encore cette enfant qui demande à sa mère le soir du tremblement de terre est-ce que demain il y aura école ? 

Ce sont des expériences qui nous montrent la résilience du peuple haïtien, son courage. Il a voulu aussi nous dire que ce peuple que vous voyez là n’est pas que ҫa, que nous pouvons nous relever. D’ailleurs il le dit et le croit : « C’est par la culture que nous pouvons nous relever ». 

Il a fait savoir au monde entier qu’Haïti n’est pas seulement ce tas de cadavres, cette masse de décombre, cette désolation, cette misère atroce. Il y a aussi cette culture, cette langue extrêmement imagée, cette capacité à rire du malheur, à en faire un objet de rire. Rappelez vous de la chanson « Anba dekonb ». Voyez encore la figure emblématique de Da dans ses romans, sa grand-mère, qui fait penser à Délira Délivrance dans Gouverneurs de la Rosée de Roumain, c’est l’image type de la femme haïtienne qui vit les déboires quotidiens, qui affronte les vicissitudes de la vie. Donc, ce sont nos mères, nos grands-mères. 

Donc pour moi, Dany est ce passeur d’expériences. C’est quelqu’un qui a la capacité de voir au-delà de ce que nous donne à voir la réalité quotidienne.

Propos recueillis par Djedly François JOSEPH

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