« Ce sera facile. Ce sera comme un nouveau baptême.
- Facile tu dis?
- Oui très facile. Crois-moi. Tu n'auras juste qu'à te retenir pour ne pas déverser ton lait trop tôt.
- Ce serait trop la honte.
- Tu l'as dit. Trop la honte.
- Et que dois-je faire pour empêcher cela?
- Je te conseille de boire un bon coup quelques minutes avant de t'y mettre. Et surtout, vide ton esprit ou pense à ta grand-mère au moment de passer à l'acte.
- Quoi? Mais ma grand-mère est morte.
- Alors pense à ta mère. Je ne sais pas, quoi! Trouve-toi quelque chose qui te fera oublier ce que tu es en train de faire.»
Telle était la dernière conversation que j'ai eue avec mon ami Roger, la veille de ce jour de dépucelage. J'ai avalé chacune de ses paroles comme le font les fidèles pour le sermon des prédicateurs. Jusqu'ici j'avais suivi à la lettre tout ce qu'il m'avait conseillé. Roger est mon meilleur ami. Je crois même que c'est le seul. Il m'avait prêté sa chambre pour tout l'après-midi. Son père ne rentrerait que dans trois ou quatre heures et sa mère n'était plus de ce monde. Mes parents, eux, étaient constamment à la maison. Je ne pouvais pas le faire chez moi. La chambre de Roger était parfaite. Pas trop grande ni trop petite; pas trop éclairée ni trop sombre. L'endroit parfait pour mon initiation. L'intérieur avait une odeur d'eau de Cologne que sans doute mon ami avait répandu dans l'air avant de partir. Le lit était assez confortable. La fenêtre située du côté gauche de celui-ci était faiblement ajourée à cause du rideau de soie brune qui gardait son ouverture. À mesure que l'heure du rendez-vous approchait, le tremblement de mes mains s'intensifiait. J'attendais l'arrivée de Bianca, celle qui allait m'ouvrir les portes du monde de la luxure.
Étais-je impatient? Je ne pourrais le dire. Mais il y avait ce douloureux paradoxe qui m'empêchait d'avoir les idées claires: d'un côté je voulais en finir avec cette histoire de puceau; et de l'autre, faire taire une bonne fois pour toute, mon angoisse depuis que j'ai programmé cette rencontre. Ainsi, si elle n'était pas venue, cela m'aurait arrangé d'une façon ou d'une autre, comme ça je pourrais bien me justifier auprès de Roger. Je m'aventurais en terrain inconnu; je ne voulais pas me mettre dans une situation gênante si jamais je commettais une quelconque maladresse. Je me suis mis à me questionner: «Que ferais-je si je déversais mon trop plein en quelques minutes voire quelques secondes? Je priais pour que les méthodes de mon ami fonctionne. Et si elle tombait enceinte? Non. J'ai des préservatifs; j'en avais apporté quatre. Alors, si je la blessais par manque d'adresse? Elle était vierge; du moins c'est ce qu'elle m'a dit.» Il ne fallait jamais les croire sur parole avant d'avoir son épée dans leur petit fourreau, selon mon ami. Il m'avait enseigné tout un tas de préliminaires à respecter scrupuleusement si je ne voulais pas transformer son lit en table de boucherie ou sa chambre en scène de crime tout droit sorti d'un film d'horreur. Tout cela me faisait ronger les ongles. Perdu dans mes pensées, le regard rivé à la fenêtre, j'attendais. Je laissais le tic-tac d'une ancienne horloge me rappeler que je vivais encore, que le temps passait. Nous avions rendez-vous à quinze heures. Cela faisait plus d'une demi-heure que je l'attendais quand le vibreur de mon téléphone portable me signala un message de sa part : «Bianca: J ss presk arriV. T où?
- Moi: Je ss ds la maison.
- Bianca: Viens me rejoindre.
- Moi: Tt de s8.»
À peine avais-je fini d'envoyer ma réponse que mon cœur s'était mis à tambouriner violemment contre ma poitrine, comme s'il voulait en sortir. «Ça y est» me suis-je dit. J'allais faire face à la grande épreuve. La tension m'était insupportable. Je ne savais que faire ni penser. À un moment j'ai même voulu un petit miracle, juste ce qu'il fallait pour qu'elle annule tout; un coup de fil lui annonçant un malaise de sa mère ou quelque chose dans le genre. Je redoutais ce qui allait se passer et comment ça allait se passer. Toujours confus, je sortis de la maison et allai à sa rencontre.
Quand je fus arrivé au point de rencontre que je lui avais communiqué la veille, j'avais toujours l'espoir qu'elle décommanderait. D'ailleurs, elle n'était pas encore arrivée. D'un regard de bête traquée, je mirai les environs. Je ne voulais pas que l'on devine ce que nous allions faire au moment où elle se pointerait. Bien que je vienne ici souvent, c'était la première fois que je venais avec une fille. Il ne fallait pas qu'ils devinent mes intentions. J'avais comme l'impression que l'on m'observait. Une sorte de sensation lourde de plusieurs paires d'yeux me collant à la peau comme des sangsues. Je regardai derrière moi, je ne semblais intéresser personne alors je retourne à nouveau.
Tout à coup, «Doup!» dans ma poitrine. La voilà! Elle arrivait en face de moi dans une petite robe noire à fleurs rose qui seyait admirablement à sa petite taille. Tiens donc! Elle a mit une robe. Voilà une fille qui ne compte pas perdre son temps. Ses cheveux étaient retenus magnifiquement par une barrette rose rimant bien avec sa robe; et elle portait de fines sandales laissant un peu de liberté à ses pieds minuscules. Des pieds magnifiquement ciselés par les outils des dieux. À l'instar des déesses de l'Olympe, elle était splendide! Là, dans la rue, je décontrôlais grave, je délirais.
« Comme ça elle est venue quand même. Elle ne pouvait pas rester chez elle?» me suis-je dit malgré mon admiration.
Alors que le soleil se couchait sur la petite ville, il se levait bien haut dans mon pantalon avec toute sa chaleur, celle qu'il nous offre habituellement en plein midi alors qu'on ne le lui a pas demandé. Je peinais à cacher ma situation incommodante. J'empruntai une démarche bizarre en écartant les jambes. Et la main droite dans la poche, j'essayai de faire descendre le drapeau du haut de son mât. Je transpirais et haletais comme si je revenais du jogging de huit heures du matin sur le long boulevard caribéen de la ville du Cap. C'était atroce, insupportable et extrêmement douloureux. Je commençai à douter des conseils de Roger car déjà je ne me vois pas en train de penser à autre chose. «Doup!», encore, quand ses douces mains moites entrèrent en contact avec mon visage pour me donner un tendre baiser sur la joue en signe de salutation. Je pressai de plus en plus fort le phallus qui s'érigeait hors de mon caleçon. Quelle souffrance! Rapidement, voulant échapper aux regards indiscrets, je l'amenai au trot chez Roger.
Nous étions dans le salon, assis l'un en face de l'autre ne sachant quoi dire ni quoi faire ou du moins ne sachant qui de nous deux devait agir en premier. Ce fut elle qui brisa la glace:
- J'ai dit à ma mère que j'allais en cours.
- Ah oui! Et...Elle t'a crue?
- Absolument. Sinon je ne serais pas ici. Elle croit tout ce que je lui dis.
- C'est bien. Ta mère est cool dans ce cas?
- Dans certains cas, oui, elle l'est. Mais ne pense pas que tu vas facilement venir frapper chez moi et demander à me voir!
- Euh! Je ne pensais pas à ça.
- J'ai sommeil. Il y a un lit là-dedans? Dit-elle en pointant du doigt la chambre de mon ami.
Visiblement, tout vient à point à qui sait attendre. Dans mon esprit je levai mes deux poings en l'air comme un boxeur sur le ring. Je raclai la gorge et m'empressai de lui répondre:
- Oui...oui. Il y en a un...Il est très spacieux. Tu veux aller le voir?
Je n'avais même pas terminé qu'elle était déjà à l'intérieur. Je restai là, dans le salon, tout seul, ignorant l'action appropriée. Elle ne m'a même pas laissé l'accompagner.
«Elle était allée se coucher. Tant mieux, avec un peu de chance elle s'endormira» me suis-je dis. Mais je gâcherai tout si je n'entre pas. «Tant pis», pensai-je. Je m'assis et allumai la télévision.
Je zappai toutes les chaines, pas une n'a pu retenir mon attention. Pendant un instant, je me demandai ce que j'étais en train de faire. Elle était à quelques mètres de moi, invitante et consentante alors que moi je faisais le clown dans le salon. D'un bond, je me levai, prêt à pénétrer dans la chambre. «Doup» une fois de plus. C'était plus fort que moi. Un duel sans précédent se tenait entre ma tête, mon cœur et ma verge. Le premier voyait avec raison que je reste là où je suis. Le second philosophait sur ce que je m'apprêtais à faire: est-ce conforme à l'éthique? Et le dernier à l'instar d'un TGV accélérait la pression pour s'engouffrer dans un long et étroit tunnel ténébreux et humide qu'il réclamait depuis un certain temps.
Je devais le faire sinon je serais encore sujet aux moqueries de mon ami. Jamais je n'ai été aussi près d'y arriver. C'était le moment. Pour me donner du courage, je songeai à mon petit frère qui m'a devancé de ce côté-là, il y a quelques semaines. «Je ne perdrai pas mon droit d'aînesse, me suis-je dit. D'ici peu, j'affirmerai ma virilité». Vite, je la rejoignis dans la chambre.
Elle était étendue sur le lit, à l'instar de Claire Danes dans Roméo et Juliette, ses mains jointes sur son ventre exceptionnellement plat. À la différence près, contrairement à Leonardo Dicaprio, je n'avais pas de poison et elle ne dormait pas. Elle me lança un regard teinté d'une fausse surprise. Puis, gentiment, d'une voix presque suppliante elle me dit: «Viens te coucher près de moi».
Sans un mot, je me déchaussai et m'étendis près d'elle. Le lit n'était pas vraiment grand, comme je le lui avais laissé croire tantôt ; nos corps se touchaient presque. Son arôme enivrant prenait d'assaut mes narines et sa peau satinée réclamait mes doigts et mes baisers. Elle frissonna. Nos regards restèrent longtemps soudés l'un à l'autre. Je commençai par lui caresser doucement, la peau. Puis, je tentai de l'embrasser, elle me laissa faire. J'étais sur la bonne voie. Entre-temps, le feu dans mon pantalon me chauffait tout le corps. Je brûlais presque.
Je glissai ensuite ma main sur ses fesses, tentant de remonter la robe quand, d'un coup, elle me repoussa.
- Qu'y a-t-il, ma chérie? Balbutiai-je, désarçonné par ce rapide revirement de la situation.
- Rien.
- Parle-moi.
- Je ne peux pas faire ça. Je ne suis pas prête.
- Pourquoi?
Après une longue pause, elle demanda en soupirant:
- Tu m'aimes?
- Bien sûr que oui, je t'aime.
- Tu en es sûr?
- Oui...Sûr et certain, répondis-je, même pas convaincu de ce que je disais mais ayant l'air super sérieux pour ne pas éveiller ses soupçons.
Que voulez-vous? J'étais tout près du but, il n'y avait plus de retrait possible.
Puis, comme pour donner le coup d'envoi, elle m'embrassa en m'invitant à m'allonger sur elle.
Dans ma pensée, je chantais pour me distraire: «Allons ensemble tous mes amis, le jour de gloire est arrivé». Comme je partais en guerre, je voulais mobiliser mes troupes tout en gardant l'esprit ailleurs tel qu'on me l'avait conseillé. Mes doigts, mes lèvres, mes jambes, mon sexe, tous, étaient à l'affût pour le grand saut.
Je n'eus aucun mal à enlever la robe mais, je me suis pris dans un énorme affrontement avec le soutien-gorge. Le garde ne voulait pas me donner le champ libre, visiblement. Bianca me regarda, un peu, mi- étonnée mi- amusée.
- Tu as déjà fait ça combien de fois déjà?
- Euh...trois fois, lâchai-je à brûle-pourpoint. Le chiffre fétiche de tout le monde en pareils cas. Tu as baisé combien de fois? Trois. Tu as eu combien de petits copains ou petites copines avant moi? Trois. Dis donc, t'as déjà fais des trucs cochons? Trois fois. Toujours ce fameux chiffre trois qui revient à la charge.
- Tu en es sûr? Il ne me semble pas, pourtant.
- C'est juste que je ne l'ai pas fait depuis un certain temps...Je suis un peu rouillé. En plus, depuis que je t'ai rencontrée, je n'ai eu aucun rapport avec d'autres filles, dis-je en prenant l'air sûr de moi. Je me réservais uniquement pour toi.
Ravie, elle vola à mon secours et délivra ses mamelons, offrant à mes yeux, pour la première fois, le saint spectacle de ses beaux seins. Un peu secoué par la magnificence de cette offre hautement généreuse je restai là à les regarder. C'était pour la première que j'en voyais d'aussi près. Certes j'avais l'habitude de lorgner quelques voisines quand elles prenaient leur bain sous les projecteurs du beau soleil d'été mais là je n'avais pas à me cacher. J'étais en première loge et acteur à la fois. Ses nibards étaient plus petits en vrai que sous la robe mais durs, fermes et très chauds quand je les touchai. En un éclair, je me déshabillai à mon tour, gardant seulement mon slip. Sa peau étincelait sur le drap.
J'optai pour le rythme lent et tatillon. Elle s'extasiait sous l'emprise de mes caresses et de mes baisers. Ne voulant pas être monotone, je plongeai mes mains dans sa petite culotte et commençai à pianoter la surface lisse, soyeuse et humidifiée depuis un moment. Là, j'envoyai, au diable le prof d'anatomie, j'apprenais tout seul. Je fis glisser doucement le tissu qui me gênait un peu et enlevai aussitôt le mien.
J'eus ensuite à livrer une autre bataille. Le préservatif me causa pas mal de problèmes mais finit par céder et la valse commença, doucement, tendrement. Le vent me fouettait le visage, je planais, j'avais des ailes et mes yeux admiraient le panorama d'un air satisfait et joyeux. Comment détourner les yeux et penser à une quelconque autre chose quand tant de richesses brillaient votre regard. J'oubliai vite la cadence sensuelle pour déraper à la manière d'un cavalier poursuivi par une pléthore de guerriers sanguinaires. Puis, un incroyable sentiment de bien-être et de plénitude m'envahit tout le corps. Mes jambes tremblèrent et là jaillit le lait vénérien tant redouté. La chute lubrique avait à peine duré trente secondes; j'avais pourtant essayé tous les conseils peu efficaces de Roger. Honteux, j'évitai le regard de Bianca en faisant semblant de chercher quelque chose sur le lit.
Mine de rien, parfaitement à l'aise et bien dans sa peau elle me demanda:
- Tu n'as pas un autre préservatif?
- Oui. J'en ai trois autres.
- Alors, tu attends quoi?
Je ne me le fis pas dire deux fois. Toujours en forme apparemment, je pris un autre condom et l'enfilai assez aisément. J'apprenais vite. Nous recommençâmes la chute. Chute incompréhensible car à mesure que je tombais, je me rapprochais du septième ciel, du paradis. Et je ressentis à nouveau ce plaisir immense qui me secoua plus intensément que la première fois. J'aurais bien aimé que toute la durée en fut ainsi. À ce second round, au moins, j'atteignis une dizaine de minutes, que je trouvai fort satisfaisant. Nous eûmes même le temps de varier les positions.
Quand nous terminâmes, elle s'empara de sa robe d'un geste brusque pour cacher sa nudité. "Ah les femmes", pensai-je intérieurement. Elle était toute nue devant moi tout à l'heure et voilà maintenant qu'elle se cache au moment où je ne voulais plus rien voir.
Pendant qu'elle se rhabillait, quelque chose sur le lit attira mon attention. C'était le condom que je venais d'utiliser; le liquide qu'il contenait avait une drôle de couleur. Tiens donc, me dis-je intérieurement!
Il était d'un rouge pâle presque rose. Ce fut alors moi qui avais saigné.
FIN
Mars 2016
©Saint-Hubert Jean Reynald
Email: jrslux95@gmail.com