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Est-ce une sorte d'inconscience, de
frigidité ou un caractère implacablement fou,illogique, de sans scrupule si l'on
rit de tout? Le peuple s'est mué comme un charlie-hebdo à exclamer après chaque
peine son fou rire comme une âme endurcie. La misère, la crasse,la douleur,
tout est de trop pourtant on rit quand même comme si nos lèvres ne fusionnent
jamais dans ces douleurs quotidiennes. Le bouretier rit,la marchande ambulante
rit, le travailleur de tap-tap rit et danse ses refrains de raboday , la
restavek danse elle-même et chante dans sa besogne et quelques fois elle lache
ce fou rire de ses reins qui ne connaissent ni le jour ,ni la nuit. Et encore
les jeunes ont mieux ce fou rire indélicat, le raboday fait rire,le parlement
fait rire, Krek Koko fait rire, le décès de Préval qui succède à celui du propriétaire
de la maison Barbancourt fait rire,le client fidèle aurait suivi son goût. Tout
fait rire, comme ce fameux Martelly qui part ,notre ancien chef d'État tout en
gardant un certain don musical, don de carnaval que l'on trouve froissant pour le
secteur du journalisme;Jounal Katrè 2Ke pourtant encore une fois ça fait rire.
Nous rions du salami,nous rions des déportations,
nous rions des Immigrants, nous rions des crimes,des tares,des lacunes,des
injustices,nous rions des délits, des bandits,de la brutalité policière, nous
rions le physique des gens,leur manies,leurs manières de parler,nous rions nos
fougues,nos flops,notre selection,nos sénateurs, nos députés. Nour rions le
jour comme la nuit,on ignore si nos dents sont blanches,jaunes,noires,on rit
simplement avant que ça nous étouffe,il faut éternuer chaque rire pour chaque
victime,pour chaque fauve,chaque nouveau-né, chaque décès, chaque
maladie,chaque erreur,chaque faute,ce peuple veut s'amuser,boire ,danser,délirer
et rêver comme les nègres dansant autour du grand boucan de la cérémonie armé
de lames et de bouteilles de rhum,saouls, les yeux derivant sans pupilles,ils
veulent danser pour ensuite éteindre leurs chaleurs entre des cuisses en
sueurs.
C'est un peuple assez facile,il faut le comprendre, ce
peuple à trop souffert,seuls les âmes sensibles ont la capacité de souffrir,de
meugler et de se plaindre,de gémir comme des cordons bleus,le peuple haïtien en
a bien assez de souffrir alors petite pique philosophique à elle-même, pour ne
plus considérer les torts et ses oppresseurs elle s'autodétruit . La vie est
cynique soit pire qu'elle,en coeur de pharaon endurci nous espérons ne plus
nous plaindre et au lieu de larmes,à la place des sanglots nous avons mis le
rire comme censure de la douleur,nous avons mis le rire pour ne pas souffrir de
nous mêmes. Comme eut dit Jean Price Mars sur la définition de l'haitien:"
C'est un peuple qui chante et qui souffre,qui peine et qui rit,un peuple qui
rit,qui danse et se résigne ". Hors cet homme ne fut pas de ce siècle, si
ce caractère n'est pas nouveau,il est bien ancré au fond de l'homme,l'homme
noir ou haïtien. Pourquoi rire de tout? Rire du parlement,rire du malheur,rire
de notre pauvreté, rire de nos défaites, rire de Guy Phillipe, rire des vidéos
de viols,rire des carnavals,rire des slogans,rire des crimes et des victimes,rire
de l'insensé,rire de Massi-Madi,rire d'Andris Riché,rire de nos
catastrophes,rire de nos pertes,du sang,des flammes ,rire de notre ignorance
,rire de notre perpetuelle damnation,rire de la nation,bafouer l'hymne national
avec le sourire,bafouer nos héros ,notre histoire.Pourquoi rit on de tout?
Non,nous ne sommes pas insensibles pourtant,nous
avons la honte,nous avons des émotions, nous sommes humains de chair et de
sang,nous avons la dignité, l'espoir,le désespoir qui fait couler des larmes intérieurs
et invisibles,nous réagissons comme des femmes bafouées, nous disons que le
connard ne nous méritait pas,on cache notre sensibilité et nos larmes sous la colère,
le rire,le je m'en fous,le je trouverai mieux mais nous avons mal. Nous avons
mal à cacher les paupières, à mentir sur ce que nous ressentons ,à créer ces
nouvelles barrières qui nous rendrons un post-frigidité à ne plus avoir peur,
nous formons sur nos cœurs et nos consciences une sorte de carapace. Une
carapace qui se crée par le rire,le rire qui bloque tout,tout ce qui voudrait
nous peiner jusqu'à la désolation, nous sommes trop fragiles,nous redoutons le suicide
mais nous nous tuons avec ces rires qui doivent nous défendre face aux autres.
Le rire est notre révolte c'est tout,notre peuple alors ne se conscientisera
plus car elle l'âme endurcie de rire,le rire est sa révolte, son rire reste sa
seule arme. Le rire et le peuple,le rire et la révolte, le rire est la révolte.
©Blaise Alandy
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