La sphère
de la criminalité n’est pas un espace isolé, renfermé sur lui-même. Elle s'identifie par rapport aux autres champs en ce que les objectifs
et les finalités qui les caractérisent ne sont pas les mêmes. Toutefois, c'est
la structuration de ces différentes sphères qui constituent la société. Ce qui
permet au champ de la pègre de s'identifier, c’est l’important édifice pénal
visant à le combattre. Outre cette opposition limitant les frontières de ces
deux milieux, le monde de la pègre entretient des relations avec les autres
champs de la société.
En effet, comme nous pouvons le
constater, nous avons vu plus haut que les individus qui acceptent de jouer le
jeu de la criminalité, se livrent dans une lutte pour s'imposer et par là, jouir
le privilège qui en découle. Ils parviennent en élargissant leurs zones
d'influence à créer leur juridiction criminelle, c'est-à-dire de vastes
territoires qu'ils contrôlent par la mise en place d'un réseau de rançonnage sur toutes les activités de la
zone. Plus les territoires contrôlés
deviennent plus importantes, plus leurs champs d'intervention
s'étendent. Ils deviennent par conséquent des élites criminelles avec qui il
faut conjuguer pour la réalisation des évènements de grande envergure comme les
élections, par exemple. C'est là, un ressort de leur pouvoir. Les territoires qu'ils
contrôlent constituent une certaine manière leur véritable monnaie
d'échange.
“La politique constitue déjà la
seule sphère de valorisation de la société” nous a fait remarquer le professeur
Alain Gilles dans un article publié en 2015. Etant le seul espace capable de
nous assurer une vie plus ou moins décente. Il est donc normal d'assister à une
affluence vers ce secteur. La pratique politicienne dans une société comme la
nôtre implique la négociation avec les secteurs qui ont réellement du pouvoir
(le secteur des affaires, les cartels de gang, la communauté internationale) en
Haïti. En fait, lors des campagnes électorales, notamment dans les zones
métropolitaines, certains candidats sont
contraints de négocier l'accès dans certains quartiers populaires. Se faisant,
les bandits ont fini par instituer un marché dont ils ont le monopole. Ce ne
sont pas les politiciens ou les hommes d'affaires qui dictent les règles de ce
marché comme on serait tenté de le croire. Ces derniers sont le plus souvent
contraints de s'engager dans ces activités de transactions souterraines. Déjà
en quête de pouvoir, les quartiers populaires sont une manne électorale, il
devient alors une nécessité pour les candidats de les conquérir, peu importe le
prix à payer. C'est à ce niveau que l'expression populaire: «se lajan ak zam ki
fè eleksyon an ayiti» prend tout son sens.Plus les prétendants aux postes
électifs s'obstinent aveuglement vers la conquête du pouvoir; mis à part les
dépenses astronomiques en matière de publicité, plus il faut également une
petite fortune pour gérer les cartels de gangs des quartiers populaires ; plus
les canaux de l'insécurité, de la violence se trouvent irriguer en
conséquence.
Enfin, c'est un véritable marché où les élites criminelles
échangent les territoires sous leur contrôle contre l'argent des candidats.
Pire encore, cela peut parfois tourner sur un conflit ouvert quand plusieurs
groupes gangs rivaux discutent un même territoire. Vu sous cet angle, les élites criminelles constituent l'un des
acteurs incontournables dans la réalisation des élections en Haïti.
CP: Loop Haiti
Bibliographie
Durkheim, Emile.Le crime, phénomène normal. In: déviance et criminalité. Textes réunis. Paris, Armand Colin, 1894.
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Pierre, Bourdieu. "Méditations pascaliennes", Paris, Seuil, Coll. Libres, 1997, 316 P.
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Gilles, Alain. " Pourquoi tant partis politiques? Et à quoi ils sont utiles" in: Haiti Perspective, vol.4.no3. Automne 2015.
Auteur :
Charles Richard
Patrice Lovenord Joanel
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