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Quel avenir dans un Haïti qui tremble?




Il faisait à peine 20h, je travaillais sur un document à traduire, les enfants jouaient sur leur ordinateur portable et Madame repassait. Vers 20:11, quand la terre a tremblé sous nos pieds; comme si un serpent géant crevassait le sous-sol à toute allure pour aller à un festin; on est sortis en courant de la maison pour aller dans la rue. J’ai traîné Martin par le collet. Il était le seul à ma portée. C’est bizarre comme l’instinct de survie prend le dessus sur tout le reste! Je ne savais pas sur le coup ce qui arriverait à Christopher. Plus de peur que de mal: l’épicentre est à des et des kilomètres de Fort-Liberté. À 18 kms au large de Port-de-Paix, selon la Protection Civile.

Peu après, Martin dira sous le choc qu’il veut aller au Canada et ne jamais revenir ici! Logique, pas vrai? Mais on est 12 millions. Et à croire Fatou Diomé, les pays d’accueil ne veulent que des mieux éduqués et les plus talentueux d’entre nous. Donc la quantité à pouvoir quitter ne dépassera pas le quart, ou mieux, le tiers de la population totale. Pas de si tôt. Alors, on n’a d’autre choix que de rendre ce pays vivable. Mais... Il y a un mais.

Car la question persiste: QUEL AVENIR POUR NOUS SUR UNE TERRE QUI TREMBLE?
Au Japon on construit des palaces sismiques où les gens sont hyper bien protégés. En Chine on réalise des documentaires sur la survie en temps de séisme. Au Mexique une alerte sonore est donnée 30 à 60 secondes avant les secousses, les gens ont une trousse à la sortie de leur maison contenant leurs papiers importants et des médicaments essentiels. Aux États-Unis, ils ont USGS qui est une unité spécialisée munie de technologies de pointe et des experts des plus avertis. Au Chili, ils ont des standards de construction très minutieux. Ici on a les mêmes discours creux, les mêmes négligences et la même hypocrisie.


Un pays qui a une histoire sismique a, en conséquence: Des lois, des codes de construction, un curriculum / programme de sensibilisation, des séances de simulation, une vaste culture, une vaste littérature sur la question. Mais ici, on a quoi? Un pouvoir exécutif qui gaspille l’argent de l’Etat sans donner de résultat. Un parlement qui le rançonne pour voter chaque loi. Un pouvoir judiciaire prisonnier des deux premiers. Un secteur privé qui paie les élections pour ensuite s’assurer de franchises et de contrats surfacturés. Une population laissée pour compte, manquant de tout; jusqu’à l’espoir. Une communauté internationale qui décide qui a le pouvoir mais qui se décharge des conséquences.

Haïti, c’est une économie fissurée, une gouvernance sous les décombres et un désespoir de 9.1 sur l’échelle de l’improvisation.

Quel avenir ?
Alors quel avenir dans des maisons mal construites, qui attendent seulement le moment de nous engloutir tous? Quel avenir quand les médias de service public ne servent pas à l’éducation de la population; mais à la propagande de chaque pouvoir? Quel avenir quand tout ce qui intéresse les mairies c’est le coût des permis de construction et qu’il n’y a aucune supervision? Quel avenir quand 8 ans plus tard nous n’avons rien appris du 12 janvier 2010? Quel avenir si malgré l’urgence constante; les problèmes cumulés, la crise qui n’en finit pas; la priorité de nos dirigeants et de leurs commanditaires est de s’enrichir à outrance, au détriment de l’avenir du plus grand nombre? Quel avenir si Guito Toussaint annonce un vaste programme de logement pour disparaître en un clin d’œil? Quel avenir si un petit clan prend en otage la vente des matériaux de construction pour en garder le monopole? Quel avenir quand chaque ONG est un petit gouvernement qui fait ses propres lois et véhicule ses propres informations en temps de désastre ? Quel avenir, quand la population, désarmée, impassible, attend un miracle du ciel ou un projet international pour la moindre difficulté? Quel avenir quand il n’y a ni emploi de qualité, ni crédit au logement, ni sécurité sociale dans un pays miné par le chômage, l’insécurité alimentaire et en proie à toutes les calamités du monde?

On ne pourra pas tous aller au Canada. Le Canada et compagnie ne veulent que des meilleurs d’entre nous. La grande majorité des gens restera ici. Pour longtemps. Comment allons-nous leur redonner confiance? Comment allons-nous assurer leur sécurité? Qu’attendons-nous pour insérer dans nos curricula des modules sur les catastrophes naturelles? Qu’attendons-nous pour allouer des fonds à la recherche sur la sécurité liée aux catastrophes naturelles, notamment les structures parasismiques? Qu’attendons-nous pour mettre les médias de service public au service de l’éducation et de la promotion des valeurs, de la culture et de la production nationales? Qu’attendons-nous pour faire de l’aménagement du territoire, le logement et l’environnement la priorité des priorités? Qu’attendons-nous pour établir des procédures connues de toute la population en cas de désastre pour qu’elle sache la conduite à tenir?

Il est temps de raser la majorité de nos maisons-cimetières pour reconstruire sur de nouvelles bases. Pour un pays plus sûr, plus sécuritaire.

L’avenir se construit par chaque action que nous posons aujourd’hui.

Junior MESAMOURS

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