Au moment où la société haïtienne subit une politisation intense des
phénomènes sociaux, il est nécessaire que les acteurs politiques, élus ou
activistes, adoptent d’autres stratégies de communication politique leur
permettant de mieux convaincre l’opinion publique.
En effet, constats faits des dernières joutes électorales ayant reconduit
les « tèt kale » au pourvoir, le peuple haïtien, débordé par la nouvelle
technologie- plus particulièrement les réseaux sociaux- semble désormais
s'intéresser à ce qui se passe dans la sphère politique : plus que jamais, les
décisions politiques sont suivies de tous, les déclarations ne concernent plus
seulement les medias. Même dans les endroits les plus éloignés, les
informations arrivent automatiquement et lues par plus d’un. De plus, mis à
part ce constat, beaucoup plus de gens, majoritairement jeunes, s'intéressent
aux postes électifs et se croient capable d'y arriver. Cet idéal plus ou moins
réalisable les motive à porter une attention soutenue sur les manœuvres des gouvernants.
C’est-à-dire, ils sont enclins à se prononcer sur les décisions et les
politiques de l’état. Les différentes objections soulevées par différents
secteurs de la société sur des sujets sensibles- dont PETRO CARIBE- est un
exemple probant de la nécessité d’une nouvelle forme de communication, ou tout
simplement d’un autre langage politique en Haïti.
Inévitablement, ce langage que la configuration exige doit commencer par le
respect de l’opinion. C’est-à-dire le langage de la communication politique
doit être avant tout celui du questionnement, de la comparaison des possibles
et non celui des fausses promesses. Les acteurs politiques doivent informer le
peuple au lieu de l'induire en erreur. Ainsi, les citoyens pourront faire la
part des choses. Loin du respect de ce principe, comme l’écrit OLIVIER ABEL : «
le gouvernement dans chaque action entreprise, s’entrave lui-même ».
En effet, la réalité politique haïtienne actuelle laisse concevoir ce non
respect de la parole. Pour ainsi dire, les promesses qui ont été faites au
cours des dernières périodes électorales semblent n’avoir pris en compte les
conditions de leurs réalisations, sinon qu’elles n’aient été que des
propagandes ou des promesses électoralistes. Caravane, électricité 24/24, la
relance de la production agricole, la lutte contre la corruption et l'impunité,
le renforcement institutionnel, la réduction du train de vie de l'État; sont
autant de manifestations traduisant la discordance entre les discours de
campagne et la réalité.
En ce sens, chaque action est une
échappatoire, une cachette ou le gouvernement donne l’impression de travailler,
mais que les conditions sociales démentent à chaque fois.
Deuxièmement, ce langage doit primer le dialogue sur le discours puisque :
« un dialogue franc nous représenterait mieux que tout discours officiel.
Sachant que ce dialogue doit être toujours caractérisé par le respect de
l'opinion contraire, on pourra mieux comprendre l'interlocuteur au lieu de le
voir comme un adversaire seulement capable de mentir, de tuer, de paniquer, de
nuire, d’obstruer ; mais de savoir qu’il est aussi capable de la vérité, de
reconnaitre qu’au delà des reproches, l’adversaire est aussi capable de bien et
du bon.
Entre autre, le dialogue politique doit désormais se baser sur des
problèmes d'intérêts publics et non seulement l’intérêt du pouvoir. Ceci doit
se faire parce que quelque chose ne marche pas au sein de la société. Il ne
doit plus être axé sur la prise du pouvoir mais fondé sur des intérêts
nationaux, un des aspects les plus importants. Il faut que chacun puisse
participer aux échanges qui émanent de nos différends tout en prêtant attention
à ce que disent les intervenants. Et aussi, ce dialogue doit partir d’un
désaccord, il ne doit pas se tenir sur quelque chose dont on connait déjà la
réponse, comme si on connait tout ce que l’adversaire peut dire et qu’il ne
faut même pas l’écouter.
Le dialogue politique que nous insinuons ici est un privilège où nous
pouvons traiter les désaccords, pourqu’au final, chacun puisse apporter une
solution aux problèmes posés. L'un des plus grands problèmes de notre société
c'est que l’affrontement remplace l'échange et l’orgueil se substitue à
l’écoute. Nous notons à cet effet, les soulèvements de différents secteurs :
grève des ouvriers, des juges, des greffiers, des professeurs, sans noter les
manifestations populaires qui sévissent à Port-au-Prince.
Tout ceci est pour dire que le langage politique en Haïti, pour qu’il soit
efficace, doit prendre en compte le contraste politique haïtien tel qu’il se
présente aujourd’hui dans sa double dimension, à la fois psychologique et
sociétale. Les mots qu’utilisent les acteurs politiques, les discours véhiculés
par les élus et les opposants, les images que nous projetons dans les champs
politiques en Haïti, doivent aller dans le sens de l’amélioration du bien
commun, de l’intérêt collectif et surtout, ils doivent être rationnels et
fondés.
Le dialogue doit avoir une place privilégiée dans la résolution des
conflits. Pouvoir et opposition doivent pouvoir s’asseoir autour d’une même
table. Toutes ces conditions réunies constituent le nouveau langage, si ce
n’est que la nouvelle forme de communication politique que nécessite Haïti.
Auteur : Bell Richemond
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