Triste, je suis
assis sur mon lit. Il est 10 heures du matin. Je pense aux derniers coups que
je pourrais sortir pour que cette année ma fête ne soit pas gâchée. C'est la Noël,
la tradition que nous avons tous l'habitude d'honorer; je pense à la fête -
même si je me suis déjà arrêté de croire au Père Noël, je sens quand même en
moi comme un impératif de fêter, cependant je n’ai pas assez d'argent. Comment puis-je
en avoir si j'ai passé toute une année étant chômeur, ou quelqu’un n’est jamais
fatigué à envoyer son curriculum vitae... Hier j'avais seulement 250 gourdes,
ce matin je n'ai que 50; trop d'envies de passer une belle Noël j'ai misé les
200 gourdes; la chance n'était pas de mon côté : «boul la pat soti». Mon seul
et dernier espoir à présent est dans les diasporas; quoiqu'ils n’aient pas
décroché leur téléphone lors de mes derniers appels, je reste dur comme le fer,
j'ai de l'espoir. J'attends un appel, un message peut aussi faire l'affaire; il
est 23, demain sera 24, le jour du père Noël.
Le noir commence
à se faire voir, il est maintenant 5 heures de l'après-midi. Je prends mon
téléphone, je l’éteins pour ne pas que la batterie se vide pour rien; à cette
heure je ne crois pas qu'il y ait de bureau de transfert qui soit encore ouvert
- j'attends demain - pour l'instant, je ne risque rien, ma batterie est presque
vide et je crois faiblement qu'il y aura de l'électricité ce soir - le «blackout»
bat son plein dans toute la ville depuis hier.
Le noir n'est
pas trop grave pour moi ; en ce moment, ce qui m’obsède c'est comment il
va se passer, ma fête - j'avais tout programmé avec mes amis : pour cette année
nous allons entrer en ville et dépenser comme des fous... Je me suis décidé de
sortir de ma chambre et monter sur le toit de la maison. Ma face tourné vers la
montagne et c'est là que je commence à voir les choses telles qu'elles sont.
Certaines parties de la montagne, là où habitent les riches, les bourgeois,
sont illuminées comme un sapin de noël, éclairées tandis qu’en bas c'est le
noir total, et j'entends une musique tendre qui me vient à l'oreille - une
belle chanson qui me donne une vive envie d’y être. J’ai comme l’impression que
le père Noël est là-haut, et qu’il fait la fête avec eux. Je sens en moi une
profonde frustration. Je m'acharne alors sur l’idée de Noël - je commence à
rougir - ma profonde tristesse vient d'être muté en une colère brulante: si, si
il existait bien le père Noël je monterais là-haut - moi seul sais ce qu'il se
passera, me dis-je dans mon esprit. Puis je descends, monter sur le lit et le
sommeil me prit.
Vous savez, j'ai
fait un rêve.
Dans mon rêve,
j'ai vu oncle Bruno; c'était un vieux du quartier qui est décédé l'année
dernière. Il avait environ 80 ans, il parlait beaucoup, on disait de lui qu'il
était historien ou un sociologue raté ; on choisit son mot, il suffit de
le compléter avec l'adjectif raté. Tout cela parce qu’il n'a pas fait d’études
et pensait pouvoir enseigner même les docteurs, bref! Oncle Bruno m'est apparu
et m'a dit sur un ton furieux que je pensais du n'importe quoi, que j'avais la
pensée erronée en croyant que le père Noël n'existe pas. Il m'a dit qu'il n’y a
pas qu’un père Noël - ce que tu as vu dans ces endroits élevés c’est la Noël
des gens d’en haut, leur père Noël passe les voir chaque fin d’année, c'est
pourquoi le nôtre n'est pas passé leur voir. Je me souviens lui avoir demandé
si nous aussi avons un. Il m'a répondu, bien sûr et qu'il est passé nous voir,
comme chaque année... Je suis tellement stupéfié que je suis sorti brutalement
de mon rêve, passant plus de deux heures à méditer.
En ce jour de 24
décembre, je sens plus en moi l’énergie pour faire la fête. Je ne sais pas ce
que mes amis vont penser quand je les aurais dits: je n’ai pas un sous. Je
prends mon téléphone, je l'allume et c'est là que je commence à voir des
messages qui m'attendaient; ils étaient au nombre de 7 ou 8 - je me souviens
pas de grand chose de ce qu’ils disaient, mais je pourrais me souvenir que les
amis avec qui j'ai planifié la sortie ont renoncé parce qu'ils n'avaient pas
d'argent. Et c'est là que je me suis dit : notre père Noël vient de nous
visiter. Oui, nous avons notre père Noël à nous dans la masse et, comme
d’habitude, il nous a apporté du «blackout», du «razè», pour certains des dettes.
L'année dernière il m'a visité, je l’ai pas su et j'avais fait de l'excès, en
janvier j'ai payé ça cher, crois-moi ! Cette année je n'en ferai pas. Et,
si le peuple se mobilise pour renverser le père-Noël-malveillant ?
Jodelyn DEUS
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