La bêtise insiste toujours écrivait Camus. Autrement dit,
on peut essayer de la fuir mais elle revient à nos trousses et à ce moment on
est surpris. On se surprend. En bêtisant, on finit par être un « bêtiseur ».
Et la bêtise comme un fait naturel, chasse la et elle revient au galop. Parfois
au moment où on s'attendait le moins. On peut tout de même s'excuser à chaque
fois mais le fait est que la bêtise ne s'enlève pas aisément. C'est une tache ardue.
La mémoire est parfois la seule chose qui puisse nous sauver de la déchéance
humaine. On a honte parce qu'on se souvient. Sommes-nous amnésiques? Peut-être
non, du moins nous le sommes pas tous. Il faut avant tout avoir une conscience.
Cette semaine le maitre-mot a été
« inconscience ». Le merengue annoncé par Roody Roodboy, l'artiste chouchou
des carnavaliers, sous le titre "San konsyans" se faisait attendre.
Il n'allait pas avoir une langue de bois, celui-là. Il faut tout dire sans
ambages. Dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Attaquer les
politiciens véreux, cette bourgeoisie de rente, l'Etat démophage et tous les
inconscients. Sauf que le peuple, ah le peuple qui subit depuis longtemps une
"violence structurale" de la part de l'Etat haïtien et les pays
« amis », n'est pas sauvage. On a déjà été traité de tel par les
occidents. À leurs yeux nous n'étions que des barbares, et oui, des sauvages.
Nous avons brisé les jougs de l'esclavage au moyen de la révolte. Sommes-nous
pour cela des sauvages? Sans pointer personne du doigt, il faut dire que l'on
ne l'a jamais été. Il fallait déconstruire ce discours minimaliste et « animaliste »
érigé sur les bases d'une quelconque civilisation par les Occidentaux. Et
aujourd'hui nous avons une histoire, faudrait continuer à l'écrire. Pour ce
faire, il nous faut l'action et le verbe, non contradictoires. Non reprendre le
discours « barbare » des colons.
L'artiste qui déchire la toile avec ses chansons n'a pas
su faire la différence. Après avoir été réprimandé, critiqué pour la claque
donnée à Rutchelle, pour sa chanson "Lòbèy" jugée obscène, pour sa
sortie monumentale, dû à un manque de culture selon plus d'un, à l'émission
"Lekòl Lage" disant qu'Haïti a besoin les bras forts d'un Hitler, il
a encore récidivé cette année. Oh la bêtise, que tu insistes. Du talent, il en
a. Mais que peut le talent face à l'incohérence? Les internautes ont réagi avec
fureur après la sortie de son merengue carnavalesque. A entendre l'artiste, on
a du mal à saisir son message. Les parlementaires critiqués d'une part et Youri
Latortue de réputation douteuse reçoit une chaleureuse salutation « Youri
Latorrrrrtue » d'autre part. La malheureuse logique de ne pas mordre la
main qui nous donne à manger se poursuit. Est-il lui-même incohérent,
inconscient et surtout amnésique? Le caractère est plus important que le talent
(Dany).
Pour certains, le champion en titre ne fait que dire la
vérité. Nou (les sauvages) pa fè peyi a lèd vre??? Nous ne voulons tout
simplement pas entendre la vérité a commenté un internaute. Des répliques
s'ensuivent: Nou pa viv tankou moun, kòman n fè pou n pa sovaj? Tout bèt jennen
mode. A une loi (un Etat criminel et inconscient) nul n'est tenu d'obéir. Le
messager n’est pas digne pour porter le message. Il serait un opportuniste qui
profite du carnaval pour augmenter sa popularité, c’est anormal, selon l’avis
de Richard Senecal. Le messager n’est pas moins important que le message. Le
choix des mots importe.
Roody Roodboy est une victime du système qui ne fait que
manger ses fils et filles. Sa mère est morte sans pouvoir trouver les soins de
santé nécessaires à temps. Conséquence des inconscients. Entre volonté de
dénoncer, et la virulence des critiques, Roody Roodboy est pris au piège de
l'inconscience. Sauvages? Faudrait-il rappeler que le royaume de la paix n'est
pas aux paisibles (Dorismond)? Cependant, « San Konsyans » doit nous
apprendre à manger la viande et à cracher les os.
Auteur:
Djedly François JOSEPH
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